Des ballons chargés de sels contre la grêle, ennemie n°1 des vignes
"Les orages de grêle, c'est le pire. Tout est déchiqueté", explique l'un des vignerons des prestigieuses appellations de Côte-Rôtie et de Condrieu, qui ont adopté un système de lutte innovant contre ce fléau avec radar et ballons intelligents chargés de sels.
"C'est un projet collectif, ça c'est important. Du jamais vu à cette échelle dans la viticulture française. Nous sommes 260 adhérents et 60 personnes formées au dispositif, dont certaines particulièrement habilitées à tirer les ballons en cas d'alerte", détaille à l'AFP Michaël Gerin, coprésident de l'appellation Côte-Rôtie, sous un ciel noir menaçant, au cœur des vignes.
Dès qu'un orage est détecté par le radar, implanté par la société Selerys en un point stratégique sur la rive opposée du Rhône, les vignerons sont prévenus par texto ou courriel 30 minutes avant son arrivée. Ils peuvent suivre sur leurs téléphones l'avancée des cellules orageuses.
Les "vignerons tireurs" peuvent alors se rendre sur les 26 zones de tir réparties dans le vignoble qui s'étage sur des pentes abruptes et donnera les fameux nectars de la Vallée du Rhône Nord.
"Les +tireurs+ sont d'astreinte par roulement 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7", témoigne l'un d'entre eux, Roland Grangier. "Dans nos voitures, tout est prêt: la valise contenant le dispositif avec les torches chargées de sels hygroscopiques (qui absorbent l'humidité de l'air, ndlr) et une bonbonne d'hélium pour gonfler le ballon".
Lancés à 600 mètres d'altitude, les ballons agissent au cœur de la cellule orageuse avec précision, au moment adéquat, et font précipiter le nuage avant la formation des grêlons.
"Ici, nous sommes au carrefour de quatre départements. Notre système de protection couvre 2.800 hectares dont 900 hectares de vignes, avec ses appellations Saint-Joseph, Condrieu, Côte-Rôtie et une partie de Vitis Vienna", poursuit le vigneron du domaine Grangier. "Cela protège également les cultures maraîchères et arboricoles, mais aussi les maisons, les voitures...".
- "Très gros investissement" -
Bien sûr, cette arme antigrêle respectueuse de l'environnement baptisée Skydetect a un coût: quelque 200.000 euros, dont 60.000 euros pour le radar. "Tout a été cofinancé par les vignerons, les collectivités locales et la région Auvergne-Rhône-Alpes", souligne-t-il.
Chaque tir revient à 380 euros. "Dimanche dernier, nous en avons tiré une dizaine et nous avons chassé la grêle".
"C'est un très gros investissement", reconnaît Michaël Gerin. "Mais c'est efficace. Et comparé aux préjudices causés par la grêle sur un vignoble comme le nôtre, il ne fallait pas hésiter. "D'ailleurs, on voudrait bien une participation des assureurs".
En cas d'orage de grêle, c'est la récolte en cours qui peut être perdue mais aussi une grande partie de la suivante à cause des dégâts sur les ceps de vigne.
Le week-end dernier, plus de 7.000 hectares ont ainsi été gravement endommagés par la grêle dans le vignoble bordelais et 10.000 à Cognac. Le vignoble champenois a aussi subi des dégâts depuis avril.
La France n'avait jamais connu autant d'impacts de foudre pour un mois de mai depuis près de 20 ans et le pays connaît un épisode électrique digne d'un mois d'août.
C'est dire s'il importe de se prémunir contre cet ennemi ravageur.
Autrefois, "on utilisait des fusées chargées de sels". "Mon grand-père s'en servait, mais c'était dangereux de se balader avec des explosifs et moins efficace", raconte le jeune vigneron.
Dans un passé encore plus lointain, on faisait sonner les cloches des églises ou on priait Saint-Vincent, patron des vignerons... Depuis sont apparus les filets étendus autour des grappes pour limiter l'impact des grêlons, l'iodure d'argent, les canons antigrêle qui envoient des ondes de choc dans les nuages...
Chaque année, environ 10 hectares étaient détruits par les orages sur les appellations Condrieu et Côte-Rôtie, l'équivalent de près de 50.000 bouteilles du précieux breuvage.
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