En France, une longue tradition de fronde contre les impôts
Bonnets rouges, chemises vertes et gilets jaunes: le mouvement de grogne contre les prix des carburants s'inscrit dans une longue tradition de révolte fiscale, avec des épisodes parfois violents. Voici quelques-uns des mouvements qui ont marqué l'histoire de France.
Grande Jacquerie (1358)
Cette vaste révolte paysanne a agité les campagnes du nord de la France (Picardie, Ile-de-France...) lors de la guerre de Cent ans. Les "Jacques", surnom alors utilisé pour désigner les paysans, souhaitaient dénoncer les hausses d'impôts décidées pour financer la libération du roi Jean II, fait prisonnier par les Anglais, mais aussi dénoncer le système seigneurial. Cette fronde est à l'origine du terme "jacquerie", utilisé ensuite pour désigner de nombreuses révoltes rurales.
Révolte des Maillotins (1382)
Ce soulèvement populaire a embrasé une partie de Paris pendant le règne de Charles VI. Il doit son nom aux "maillets" utilisés par les émeutiers pour s'opposer aux collecteurs d'impôts. L'objectif était de contester le rétablissement des "fouages", un impôt perçu sur chaque foyer. Comme d'autres révoltes survenues la même année, notamment en Normandie (Harelle), cette insurrection s'est soldée par un échec: une loi martiale a été instaurée et ses meneurs décapités.
Crise de la gabelle (1542)
Taxe royale prélevée sur le sel, la gabelle a provoqué de nombreux soulèvements au cours des siècles, le sel ayant longtemps été le seul moyen de conserver les aliments. Le plus important a touché le sud-ouest de la France entre 1542 et 1548, après une tentative d'uniformisation fiscale sous François Ier. Mais une autre révolte a marqué l'histoire, en 1639: celle des "Nu-pieds" de Normandie, opposés à l'extension de la gabelle à des paroisses qui en étaient exemptées.
Révolte des Croquants (1637)
Partie du Périgord, cette insurrection figure parmi les plus célèbres frondes fiscales de l'histoire de France. D'autres révoltes de "croquants" -- autre surnom donné aux paysans -- avaient déjà secoué les campagnes, principalement dans le Sud-Ouest. Mais cette fronde les a dépassés par son ampleur: 3.000 soldats déployés sur la frontière espagnole ont ainsi été appelés en renfort pour mater les émeutiers, qui refusaient de fournir à l'armée de nouvelles rations de blé.
Bonnets rouges (1675)
Le mouvement des "bonnets rouges", ou "révolte du papier timbré", a enflammé la Bretagne durant le règne de Louis XIV. Les insurgés, des paysans mais aussi des artisans, souhaitaient protester contre des nouvelles taxes imposées pour financer la guerre en Hollande, notamment la taxe sur le "papier timbré", servant aux actes officiels. Clochers rasés, rebelles condamnés aux galères et paysans pendus: cette fronde à tendance anti-jacobine s'est terminée comme beaucoup dans le sang.
Révolution française (1789)
Fait méconnu: la révolution de 1789 a eu comme élément déclencheur un ras-le-bol fiscal. Pour renflouer les caisses de l'Etat, mal en point depuis l'intervention française dans la guerre d'indépendance américaine, Louis XVI avait engagé une réforme pour faire payer l'impôt royal à tous les Français. Face à l'opposition de la noblesse, le roi a convoqué des Etats généraux, permettant au mécontentement populaire de s'exprimer plus librement.
Chemises vertes (années 1930)
Fondés en 1928 par Henri Dorgères, les Comités de défense paysannes -- ou "chemises vertes" -- se sont développés sur l'ensemble du territoire français au cours des années 1930. Classé à l'extrême droite, ce mouvement prônait la grève de l'impôt, accusant l'Etat de harceler les paysans. Parfois qualifié de "fascisme vert", il s'est démarqué par son discours anti-parlementaire et xénophobe.
Poujadisme (années 1950)
Créé par Pierre Poujade, libraire-papetier du Lot, le poujadisme a connu un important succès à la fin des années 1950, en dénonçant une "Gestapo fiscale" et en appelant les artisans et commerçants à se rebeller contre l'impôt. En 1956, pas moins de 52 députés poujadistes ont élus sur les bancs de l'Assemblée nationale, parmis lesquels un député de 27 ans seulement: Jean-Marie Le Pen.
Bonnets rouges "bis" (2013)
Lancé par des organisations professionnelles et chefs d'entreprises bretons, ce mouvement a obtenu en 2013 le retrait de l'Ecotaxe, un impôt écologique sur les poids lourds, après plusieurs semaines de mobilisation. Une décision qualifiée de "gâchis" par de nombreux parlementaires mais de "victoire" par les manifestants, qui avaient identifié leur lutte à celle des "bonnets rouges" de 1675.
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