"Gilets jaunes" : Macron défend sa crédibilité face aux Européens
S'expliquer pour rassurer: Emmanuel Macron est arrivé jeudi à Bruxelles pour convaincre ses partenaires européens que la crise des "gilets jaunes" ne remettait pas en cause ses réformes ni son ambition de "refonder" l'Union européenne.
C'est en dirigeant affaibli que le chef de l'Etat s'est présenté devant ses homologues pour le dernier sommet européen de l'année. Loin de l'image de "sauveur de l'Europe" qu'il avait donnée au début de son quinquennat il y a un an et demi.
A son arrivée au Conseil, il a annoncé son intention de s'expliquer vendredi sur les mesures sociales qu'il a annoncées lundi pour calmer la révolte inédite qui a explosé en France début novembre.
"Je dirai les choix que j'ai faits pour répondre à une colère que j'estime légitime et juste, des choix de véritables accompagnements, des mesures fortes d'accélération et de renforcement de baisses d'impôt en particulier, pour que le travail paie mieux dans notre pays", a-t-il déclaré.
L'enjeu est de répondre aux craintes de ceux qui, à Bruxelles ou Berlin, s'inquiètent d'un dérapage budgétaire alors qu'Emmanuel Macron avait fait la promesse de rester dans les clous fixés par l'Union européenne.
Or le coût des mesures annoncées lundi est évalué à 10 milliards d'euros, ce qui devrait aggraver le déficit budgétaire à environ 3,4% du Produit intérieur brut (PIB) pour 2019 contre une prévision initiale de 2,8%.
Emmanuel Macron a assuré que cette réponse aux "gilets jaunes" "n'entrave en rien la volonté" de "maîtrise de nos dépenses" et le maintien du "cadre des réformes".
Et il a tenu à souligner que la crise française n'était pas spécifique à son pays. Cette "colère (...) s'exprime partout en Europe, avec des votes extrêmes qui montent dans certains pays, avec le Brexit...", selon lui.
Ce constat est largement partagé à Bruxelles. "Macron n'est pas le seul à la peine. De nombreux dirigeants autour de la table du Conseil sont en difficulté dans leur pays, ce qui donne une ambiance un peu spéciale à ce conseil", a témoigné un diplomate.
Toute l'attention de la Britannique Theresa May est ainsi consacrée au Brexit, tandis que l'Allemande Angela Merkel est fragilisée, que le Belge Charles Michel gère une crise politique et que l'Italien Giuseppe Conte est sous la pression de Bruxelles pour son budget 2019. Même le Premier ministre Viktor Orban, chef de file des dirigeants nationalistes, doit faire face à un mouvement de contestation de lois controversées sur la justice et la flexibilisation du temps de travail.
- "aspirations légitimes" -
Mais l'inquiétude est d'autant plus grande sur la situation française qu'Emmanuel Macron avait soulevé de grands espoirs à Bruxelles.
"C'est très inquiétant parce que de très nombreux sujets européens nécessitent une France impliquée, et elle ne l'est plus", a regretté une source européenne.
"Nous avons terriblement intérêt à ce que la présidence de Macron se passe bien. Surtout dans la perspective des élections européennes qui va être une immense bataille" entre pro et anti-Européens, a estimé un autre responsable.
Ces inquiétudes expliquent en partie la prudence des réactions, tant de la Commission européenne que du gouvernement à Berlin, aux mesures sociales, qui font pourtant frémir la presse allemande.
Emmanuel Macron a tenté d'affirmer que la crise ne menaçait pas son engagement pour l'UE. "Je ne mènerai jamais le projet européen, auquel je crois, contre des aspirations que j’estime légitimes. Je pense qu'elles sont réconciliables et c'est ce que nous sommes en train de faire", a-t-il dit.
Paris récuse les critiques sur une absence de résultats obtenus depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron en mai 2017.
"Il n'y a pas à rougir (...) En 18 mois, il y a eu des progrès symboliques et majeurs", insiste-t-on, en citant les avancées sur le travail détaché, la défense ou la taxation du numérique. "On préférerait aller plus fort et plus vite", mais "l'Europe avance toujours par compromis".
L'une de ces avancées sera "la validation politique" vendredi d'un budget de la zone euro pour mieux faire face aux prochaines crises financières, même si cette réforme est moins ambitieuse que celle promise par le président français.
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