L'Afrique dans le viseur de la vidéosurveillance dernier cri

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Par Sophie PONS - Rabat (AFP)
Publié le 24 février 2019 - 12:14
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Des officiers de police ivoiriens dans un centre de commande du ministère de la Sécurité, à Abidjan, le 19 février 2019
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© ISSOUF SANOGO / AFP
Des officiers de police ivoiriens dans un centre de commande du ministère de la Sécurité, à Abidjan, le 19 février 2019
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Les systèmes de vidéosurveillance dernier cri, alliant reconnaissance faciale et croisement des données, partent à la conquête de l'Afrique, ciblée pour son urbanisation galopante, sa croissance économique, sa connectivité et ses législations permissives en matière de protection des données personnelles.

Le "premier salon africain 100% technologique dédié à la sécurité et la sûreté" (Asec), organisé ces derniers jours à Rabat, a attiré plusieurs groupes internationaux, dont le Chinois Huawei.

Sur des écrans géants, Huawei a vanté les performances des systèmes "ville sûre" qu'il a déjà déployés dans de grandes villes africaines comme Abidjan, Nairobi, Yaoundé, Bamako ou Marrakech.

"Quand un crime est commis, grâce aux caméras, on travaille de façon magique", assure le ministre de la Sécurité nationale du Ghana, Albert Kan Dapaah, dans un clip promotionnel diffusé par Huawei. "Mon centre de commande fait l'envie de tous mes collègues".

Au niveau mondial, une dizaine de groupes se partagent le marché de la vidéosurveillance évalué à quelque 30 milliards de dollars (26,5 milliards d'euros) en 2017, et qui devrait enregistrer une croissance annuelle à deux chiffres selon des analystes.

"Nous sommes très forts sur le marché africain car il y beaucoup d'opportunités pour nos produits", notamment en Egypte et en Afrique du Sud, se félicite Yoonboom Choi, représentant du groupe coréen Hanwha.

"Pour développer le tourisme ou le commerce, il faut d'abord sécuriser les rues", explique un commercial à un élu local marocain abasourdi par le potentiel des nouvelles technologies.

- "Ville sûre" -

Les nouveaux centres de commande sont conçus comme des cerveaux capables de détecter instantanément toute forme de crime, d'accident, de désastre naturel ou de désordre civil pour déclencher une réponse rapide et appropriée.

Avec le traitement analytique des données par l'intelligence artificielle, les foules ne sont plus anonymes: chaque passant peut être filmé par des caméras, chaque image traitée en temps réel par des algorithmes de reconnaissance faciale, stockée dans des bases de données enrichies par des informations collectées sur différentes plateformes, dont les réseaux sociaux.

Les véhicules sont identifiés avec leur plaque d'immatriculation et les logiciels les plus élaborés détectent les émotions des humains et font de la prédiction de comportement.

"On peut établir la carte d'identité de chacun sans le connaître, avec nom, prénom, cursus, son expérience, sa famille, ce qu'il préfère, où il voyage", souligne avec enthousiasme Chakib Achour, un responsable régional de Huawei.

Ces données sont aussi utiles aux policiers sur la piste de criminels qu'aux entreprises en quête de clients, selon les concepteurs.

"Le déploiement de ces technologies est inégal selon les régions" en raison des différences de législation, précise François Levy, directeur régional de la société brésilienne Digifort.

La France, par exemple, avec sa loi Informatique et liberté et son gendarme des données personnelles, la Cnil, a "des exigences qui ne vont pas permettre de déployer une technologie telle qu’on peut la développer au Moyen-Orient ou en Afrique", dans des pays moins pointilleux sur la protection de la vie privée, dit-il.

Face aux inquiétudes des défenseurs des libertés civiles, l'Union européenne a adopté en 2018 un règlement sur la protection des données personnelles (RGDP) qui a déjà valu à Google une amende de 50 millions d'euros en France.

Huawei inquiète pour sa part des pays et hommes politiques occidentaux, qui l'accusent de permettre au renseignement chinois d'espionner les communications des pays qui utiliseraient ses services et équipements.

- "Sécurité du citoyen" -

Organisateur du salon, le Maroc, qui revendique ouvertement une politique sécuritaire musclée au nom de la lutte antiterroriste, s'intéresse de près à ces technologies.

"La sécurité du citoyen a toujours été le point focal de notre réflexion sur la ville et sous-tend le grand projet de rénovation urbaine que nous continuons de mener", explique le président du Conseil communal de Rabat, Mohamed Sadiki.

Dans ses argumentaires commerciaux, Huawei vante volontiers "l'exemple" de la Chine "où toutes les stations de police ont leur unité de vidéosurveillance".

Le modèle "idéal", selon les Chinois, offre une "plateforme communautaire", alimentée par des flux d'images fournies par les taxis, les commerçants, les écoles, les aéroports, les stades, les centres commerciaux, les entreprises privées ou par de simples citoyens, à partir de leur téléphone portable.

Sur le continent africain, les habitants ont, à ce titre, souvent un meilleur accès aux téléphones portables qu'aux services de base. Selon une étude du cabinet Deloitte publiée en 2018, 660 millions d'Africains devraient être équipés d'un smartphone en 2020, soit plus d'un habitant sur deux.

A ce jour, Marrakech, destination phare au Maroc, travaille elle sur une application destinée à permettre aux citoyens et touristes "d'émettre des appels d'urgence et des contributions" en matière de sécurité, relève Moulay El Hafid Zimirly, un responsable de la région de Marrakech-Safi dans un entretien diffusé par Huawei.

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