Le cuivre, poule aux oeufs d'or du Chili et défi du prochain président
Porté par la demande de la Chine et des voitures électriques, le cuivre gagne à nouveau du terrain et tire l'économie du Chili, principal producteur mondial, dont le prochain président, désigné dimanche, héritera de la manne, mais aussi de sa réforme attendue.
La fête pourrait être en effet de courte durée si le prochain gouvernement ne parvient pas à trouver un équilibre entre les exigences des écologistes et celles des entreprises, estiment les experts.
"Un nouveau cycle de prix à la hausse du cuivre et des autres matières premières pourrait se poursuivre jusqu’à la moitié de la prochaine décennie", grâce à la croissance de la Chine, responsable de 50% de la demande globale, et du boom des voitures électriques dans le monde, explique Carlos Guajardo, directeur du cabinet Plusmining.
En 2018, le cours moyen de la livre de cuivre devrait s'établir au dessus des trois dollars, selon les projections de cet expert. Des prévisions de bon augure pour l'économie chilienne, très dépendante de ce métal.
Ce pays, qui devrait connaître cette année une croissance de 1,4%, la plus faible en huit ans, est en pleine décélération. Mais avec un tiers de la production de la planète, le Chili reste le champion du cuivre.
"Cela n'est pas remis en cause avec une production qui, en 2018, devrait atteindre les 5,4 millions de tonnes. Le Pérou est deuxième, avec 2,3 millions. Le grand défi est de savoir si ce niveau va se maintenir ou même augmenter pour répondre à la demande", juge le vice-président de la Commission chilienne du cuivre (Cochilco), Sergio Hernandez.
Avec un portefeuille d'investissements de 6,4 milliards de dollars, le Chili cherche à intensifier l'exploitation de gisements déjà anciens, comme celui de la mine de Chuquicamata, au nord du pays, et en trouver de nouveaux.
En outre, le prochain chef de l'Etat chilien va hériter d'un dossier délicat dans ce domaine: la réforme de la controversée "loi réservée", héritée de la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990) et qui oblige la compagnie minière publique chilienne Codelco à verser 10% de ses revenus à l'armée.
- 'Camisole de force' -
Cette législation, "c'est une camisole de force pour Codelco", estime M. Guajardo, qui se félicite que les deux candidats qui s'affrontent dimanche, le socialiste Alejandro Guillier et le conservateur Sebastian Piñera, ambitionnent de la modifier.
Codelco, qui occupe une "part immense dans l'économie chilienne", selon le patron exécutif du groupe, Oscar Landerretche, est de loin le principal contributeur du fisc chilien. En 40 ans, il a versé 108 milliards de dollars dans les caisses de l'Etat.
Dans les prochaines années, les défis de l'entreprise minière seront de consolider ses projets en cours et de stabiliser sa dette, qui s'élève à plus de 14 milliards de dollars.
Sur d'autres fronts, Codelco devra aussi faire face à l'opposition des écologistes et des communautés indigènes qui, cette année, ont pesé sur la décision du gouvernement de freiner un méga-projet de mine de cuivre et de fer dans la région de Coquimbo (nord), à proximité d'une réserve de manchots.
Le virage mondial vers les énergies propres est aussi une bonne nouvelle pour le pays du métal rouge. Car pour fabriquer une voiture électrique, il faut 3,2 fois plus de cuivre que pour un véhicule classique, sans compter le lithium destiné aux batteries, autre métal dont le Chili possède les plus grandes réserves mondiales.
Sur le lithium, "nous sommes en retard. Nous sommes en train (...) de chercher des investisseurs. Mais nous ne voulons pas exploiter la ressource naturelle, nous voulons qu'une bonne partie soit exportée sous la forme de produits à valeur ajoutée, comme des batteries", prévient le vice-président de la Commission chilienne du cuivre.
Pour le Chili, il s'agit de ne pas répéter le schéma du cuivre. Dans le cas contraire, ce pays pourrait se trouver dans une situation paradoxale: avoir les plus grandes réserves de lithium, mais ne pas être en mesure d'en profiter, prévient le consultant Guajardo.
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