Le secteur aérien indonésien sur la sellette après le crash de Lion Air
Des bosses sur les pistes d’atterrissage, des aéroports reculés sans tour de contrôle et un manque criant de pilotes et de techniciens de maintenance : la croissance accélérée du transport aérien en Indonésie représente un défi pour la sécurité aérienne du vaste archipel, soulignent les analystes.
"La forte hausse de la demande et de l'activité a débouché sur des accidents plus fréquents ou des incidents qui auraient pu être évités", a souligné Stephen Wright, un expert du secteur aéronautique à l'université de Leeds.
La publication mercredi d'un rapport préliminaire sur le crash du Boeing de Lion Air survenu le mois dernier, a révélé que des défaillances techniques sur l'appareil n'avaient pas été réparées avant son dernier vol.
Le Boeing 737 Max 8 à destination de Pangkal Pinang avait plongé une dizaine de minutes après avoir décollé de Jakarta le 29 octobre, entraînant dans la mer 189 passagers et membres d'équipage dont aucun n'a survécu.
Ce rapport n'identifie pas les causes de l'accident - un rapport définitif n'étant pas attendu avant l'année prochaine - mais il fournit un point d'étape sur l'enquête et formule des recommandations.
Lion Air doit prendre des mesures "pour améliorer la culture de sécurité" et s'assurer que "les documents opérationnels" qui répertorient notamment les réparations sur ses appareils "soient bien remplis et documentés", note-t-il.
Malgré une réputation de problèmes de sécurité et de nombreuses plaintes de clients mécontents, Lion Air Group, sa maison mère qui contrôle aussi cinq autres compagnies aériennes, s'est emparée de plus de la moitié du marché indonésien des liaisons aériennes depuis sa création il y a moins de vingt ans.
Le groupe a la plus grand flotte de l'Asie du Sud-Est avec plus de 300 appareils et s'est développé grâce à ses prix bas et une multitude de liaisons qui relient tous les points du vaste archipel.
- "la pire au monde" -
La sécurité aérienne s'est améliorée en Indonésie selon les spécialistes du secteur, notamment depuis les interdictions de vols dans le ciel européen et américain de compagnies comme la nationale Garuda. Mais le pays a enregistré en 15 ans 40 accidents mortels.
Si les États-Unis et l'Union européenne ont levé ces interdictions l'an dernier, le secteur doit toujours faire face à des infrastructures vieillissantes et des restrictions à l'embauche des pilotes et techniciens étrangers.
"Si vous voulez croître rapidement, il faut embaucher des étrangers, mais ici il y a des régulations qui compliquent ces recrutements", souligne Gerry Soejatman, un analyste du secteur basé à Jakarta.
Le marché indonésien du transport aérien, qui pèse plus de 4 milliards de dollars, et connaît une croissance à deux chiffres a enregistré 97 millions de passagers l'an dernier.
Et Lion Air, qui s'est fait remarquer en 2011 avec une commande record à l'époque de 22 milliards de dollars pour des appareils Boeing, compte pour une bonne part de cette croissance.
Le PDG de la compagnie, Edward Sirait a reconnu lui-même qu'on pouvait voir Lion Air comme une compagnie "douteuse", avec des membres d'équipage "peu serviables". Mais il insiste que ses pilotes sont bien formés.
"Ils ne pourraient pas voler à l'étranger s'ils ne l'étaient pas", a-t-il souligné à l'AFP.
Le ministère des Transports indique pousser Lion Air et les autres compagnies aériennes à renforcer leur sécurité. Certains parlementaires ont demandé à ce que la licence du transporteur aérien soit révoquée.
Mais c'est peu probable vu le poids du groupe dans le secteur et son rôle clef dans l'économie du pays.
Son co-fondateur, Rusdi Kirana, qui a décrit sa création comme la compagnie aérienne "la pire au monde" dans une interview en 2015 est un proche du président indonésien Joko Widodo, qui lui a accordé le poste stratégique d’ambassadeur en Malaisie.
Lion Air est aussi la seule compagnie qui dessert certaines parties isolées de l'archipel de 17.000 îles dans un pays où beaucoup des 200 aéroports sont sous-équipés.
"Il y a beaucoup de pistes d’atterrissages qui sont abîmées, quand l'avion atterrit on a l'impression de conduire sur une route avec des nids de poule", explique Yusni Maryan, un pilote de la compagnie.
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