Le vin de Sauternes dépoussière son image
Un vin sucré et liquoreux que déguste le troisième âge avec du foie gras à Noël: c'est cette image surannée que le Sauternes veut casser en séduisant une clientèle plus jeune grâce à l'oenotourisme.
Dégustation perchée dans un arbre, expositions dans les chais, restauration de luxe, export, excursions, ventes internet... ce vignoble du sud de Bordeaux veut retrouver son aura d'antan quand, lors du prestigieux classement des grands crus de 1855, les prix des 27 châteaux de Sauternes et Barsac dépassaient ceux des rouges de Bordeaux.
Petite appellation (1,7% des surfaces de Bordeaux), faible rendement (0,7% de la production bordelaise) en raison du travail d'orfèvre pour sélectionner manuellement des raisins atteints par la pourriture noble, prix tirés vers le bas par la grande distribution, manque de visibilité dans les magasins... Le Sauternes a connu une "désaffection" de 2008 à 2015, résume le président de l’appellation, Xavier Planty.
"Le Sauternes est marginal pour les négociants bordelais qui vendent de gros volumes et ne proposent donc pas nos vins", explique-t-il.
Mais dans cette appellation marquée par un manque d'unité entre vignerons, la jeune génération et les nouveaux investisseurs, souvent de grands groupes français, entendent désormais redorer le blason de ce "produit de luxe".
"Le Sauternes ne peut être copié. On a oublié qu'on était assis sur une mine d'or", rappelle le propriétaire depuis 2015 de Rayne Vigneau, Derek Smith, également PDG de Trésor du patrimoine, un site spécialiste de la vente en ligne qui lui permet de s'appuyer sur une base de six millions de clients pour vendre son vin.
Dans son château à Bommes, un des cinq villages de l'appellation Sauternes-Barsac, les jeunes sont particulièrement ciblés avec des dégustations perchées dans un cèdre centenaire et un "escape game", jeu d'énigmes basées sur l'histoire de la propriété.
"Le territoire se réveille. Quand vous êtes à Sauternes, il faut être excessivement dynamique pour avancer, à la différence de Margaux ou Saint-Emilion qui fonctionnent tellement bien", souligne Vincent Labergère, directeur du château.
Les efforts pour développer cette appellation à 35 minutes de Bordeaux semblent porter leurs fruits: Rayne Vigneau a doublé tous les ans le nombre de ses visiteurs, qui atteignait l'année dernière 7.000 personnes et représente désormais 8% des ventes.
- Canoë et blanc sec -
Cette dynamique s'accélère cette année avec l'ouverture d'un restaurant en février au château Guiraud, d'un hôtel-restaurant de luxe le 23 juin au château Lafaurie-Peyraguey qui proposera des plats à base de Sauternes... Même l'emblématique château d'Yquem suit le mouvement: son propriétaire, le groupe LVMH, vient d'y ouvrir une boutique.
Quant aux domaines plus modestes, ils tirent aussi leur épingle du jeu. Le château Gravas à Barsac, où des oeuvres d'arts décorent les chais, réalise 30% de son chiffre d'affaires avec les touristes.
"On avait un peu peur mais finalement, les grands crus attirent une autre clientèle et ça permet d'avoir des répercussions sur tout le territoire", apprécie Alexis Charrier du Domaine de Carbonnieu. Il propose des descentes en canoë sur le Ciron, cet affluent de la Garonne qui crée une brume matinale favorisant l'apparition sur les grappes d'un champignon donnant au Sauternes son goût inimitable.
Pour développer les ventes, des viticulteurs s'adaptent aussi au goût d'aujourd'hui, peu friand de vins trop sucrés. Ils commercialisent des demi- bouteilles, du vin moins sucré et concentré, davantage prisé en apéritif, et du blanc sec.
"Après avoir goûté le blanc, plus facile d'accès, les consommateurs se dirigent vers le moelleux", explique M. Planty.
Enfin, seize vignerons ont réussi à se mettre d'accord pour créer une cave coopérative, afin de valoriser leur production avec des volumes importants et une qualité constante.
L'année prochaine, ils comptent partir à la conquête de nouveaux marchés comme la Chine, 3e pays importateur de Sauternes après les Etats-Unis et le Royaume-Uni, en fusionnant avec la plus importante cave de Gironde qui, elle, ne produit pas de sauternes.
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