Les céréales, victimes collatérales de la grève SNCF
Les wagons de blé n'arrivent plus devant les silos et dans les ports: le blocage du transport de céréales dû à la grève intermittente de la SNCF commence à inquiéter les industriels de l'agroalimentaire et de l'amidonnerie.
Après deux semaines de grève, l'Association générale des producteurs de blé (AGPB) s'est alarmée cette semaine des surcoûts engendrés par la grève, pour trouver des solutions de substitution au transport ferroviaire du blé.
"Il faut compter entre 5 et 20 euros de plus par tonne transportée", a déclaré à la presse son président Philippe Pinta, "c'est un problème de surcoût qui s'ajoute à une situation déjà très difficile pour les céréaliers, dont 40% n'arrivent pas à avoir de revenus pour la cinquième année consécutive".
De plus, "il est très difficile de trouver des camions disponibles, et surtout des chauffeurs pour remplacer", a-t-il insisté.
Pour l'instant néanmoins, ce ne sont ni les céréaliers en début de chaîne, ni les boulangers à l'autre bout qui sont les plus touchés par l'arrêt des trains de fret: "Ce sont les coopératives et les entreprises privées de négoce", explique à l'AFP Alexandre Bacholet, céréalier près de Dijon. En résumé, les organismes qui stockent le blé pour l'industrie agroalimentaire ou pour l'exportation.
Pour Soufflet, entreprise de négoce qui vient juste d'inaugurer un terminal d'exportation flambant neuf à La Rochelle, la grève pèse "lourdement" sur la capacité à transporter les céréales en France.
"Cette grève est catastrophique et menace la capacité à valoriser les céréales françaises dans les prochains mois", a indiqué le groupe, basé à Nogent-sur-Seine, dans une déclaration écrite à l'AFP.
"Depuis le début du mois d’avril, nous n'avons pu réaliser que 2 trains sur 5", a précisé Soufflet. "Nous ne pouvons pas compenser les trains annulés par un transport fluvial en péniche ou en camions, en raison des profonds dysfonctionnements des écluses sur l’axe Seine-amont et de la saturation du transport routier", a ajouté le groupe.
- Demande de service minimum pour le fret -
"Catastrophique": le même terme est revenu dans un communiqué des coopératives agricoles jugeant les conséquences de la grève. "Selon les régions, 60% à 70% des trains sont annulés", indique Coop de France.
Les coopératives demandent que le transport de marchandises soit une "priorité", pour ne pas mettre en péril leur activité.
Idem pour les amidonniers comme Roquette, Tereos, Cargill ou ADM qui travaillent pour l'industrie agroalimentaire, cosmétique ou pharmaceutique. Ils dépendent du train pour 50% de leurs approvisionnements en céréales (3 millions de tonnes sur les quelques 6 millions de tonnes qu'ils consomment annuellement). Et demandent l'instauration d'un service minimum pour le fret.
N'ayant pas ou très peu de stocks, ces industriels, qui fabriquent de l'amidon à partir de blé ou de maïs dans des usines qui tournent à flux tendu 24 heures sur 24, ont dit mardi craindre des "interruptions de production" à partir de la mi-mai.
Si une rame est chargée et que le lendemain est un jour de grève, le convoi peut perdre son "sillon" (droit de trafic) et ne pas le retrouver, ou seulement après très longtemps, explique un représentant du secteur.
Pour l'agroalimentaire, le transport ferroviaire ne représente néanmoins que 13% du transport de marchandises en France. Pour les seules céréales, 15% sont acheminées en train, 60% par camion, et 15% par transport fluvial, la solution la plus économique.
Mais même les sociétés privées de fret ferroviaire ne sont plus accessibles, "car lorsque les aiguilleurs de la SNCF sont en grève, cela impacte tous les transporteurs, y compris les privés", souligne M. Pinta de l'AGPB.
Les opérateurs de fret privés sur le rail, qui ont sécurisé leur activité avec des contrats en béton, ont même généré une double-peine pour les organismes stockeurs de céréales: en cas de grève, les coopératives doivent en effet leur payer des pénalités parce qu'ils ne pas être en mesure de faire transiter les marchandises par leurs services.
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.