Les équipes de e-sport en recherche de stabilité économique

Auteur:
 
Par Erwan LUCAS - Cannes (AFP)
Publié le 13 février 2018 - 20:03
Image
Une classe d'e-sport à l'école technique Lanxiang à Jinan le 29 janvier 2018
Crédits
© GREG BAKER / AFP/Archives
Une classe d'e-sport à l'école technique Lanxiang à Jinan le 29 janvier 2018
© GREG BAKER / AFP/Archives

Fnatic, Cloud9, Vitality, Team Liquid: les équipes de compétition de jeux vidéo, ou "e-sport", possèdent aujourd'hui une communauté sur les réseaux sociaux équivalente à des clubs de football comme l'Olympique lyonnais ou l'AS Saint-Etienne, mais cherchent encore leur modèle économique.

Car si les sports collectifs peuvent souvent compter sur les revenus de leurs stades et la vente de produits dérivés en plus des droits de retransmission ou du sponsoring, les équipes d'e-sport doivent, elles, se reposer principalement sur des partenariats pour survivre, sur un modèle plus proche du cyclisme professionnel.

"Une part des gains en compétition revient à la structure et nous vendons un peu de produits dérivés, mais le sponsoring reste notre principale ressource", confirme Mickaël Piantchenko, vice-président de l'équipe philippine Mineski, une des principales d'Asie du sud-est, interrogé par l'AFP lors du salon spécialisé eSports Bar de Cannes.

Ce sponsoring reste toutefois fragile, avec des contrats qui ne durent que quelques mois, voire le temps d'une compétition, quand ils couvrent plusieurs années dans le sport traditionnel.

"Je comparerais ça un peu à la boxe, vous n'avez pas de championnat e-sport unifié, il y a différents types de compétitions et on a du coup du mal à +lire+ l'ensemble quand on ne connaît pas bien", explique Vincent Chaudel, spécialiste du sport au sein du cabinet Wavestone.

Facteur aggravant, les e-sportifs ont tendance à signer des contrats courts avec les équipes, le temps d'une compétition ou sur une année maximum, ce qui contribue à l'envol des coûts salariaux.

"Le système ouvert actuel contribue à l'inflation des salaires et un e-sportif a tout intérêt à ne pas signer de contrat sur plus d'un an, il sait qu'il pourra le renégocier à la hausse l'année suivante", détaille ainsi Xavier Oswald, directeur marketing et stratégie au sein de l'équipe Vitality.

Pour les équipes, la dépense devient conséquente, à l'image de Mineski, qui compte sept équipes et qui dépense "rien que pour [son] équipe sur Dota 2 (un des principaux jeux e-sport, NDLR), environ 500.000 dollars de budget sur un an, entre [ses] cinq joueurs, l'entraîneur, le manager et l'analyste".

Car les équipes ont désormais une organisation proche des clubs sportifs professionnels avec, au-delà des sportifs sous contrat, des entraîneurs, des analystes, des directeurs sportifs et même des kinés.

- Vers un modèle à la NBA -

Mais le modèle évolue, selon Laurent Michaud, directeur d'études pour le centre de réflexion Idate: "le modèle de la franchise, plus pérenne, pourrait s'imposer. Il permet la création d'un écosystème extrêmement rentable."

Inspirées par les sports américains, ces franchises, ou systèmes de licence, donnent le droit de participer à une compétition fermée au sein d'une ligue, comme celle de la NBA pour le basket. Cela permet aux équipes de ne pas perdre leur place dans la compétition, leur donnant une plus grande stabilité qui rassure les sponsors.

Le système de franchise a été adopté par l'éditeur Riot Games et son jeu "League of Legends" (LoL), référence du e-sport: il a créé une ligue fermée en Amérique du nord et en Asie, avec un ticket d'entrée situé entre 10 millions et 13 millions de dollars pour chacune des dix équipes retenues.

"Grâce à ça, les +teams+ américaines ont pu lever entre 20 et 35 millions de dollars [auprès d'investisseurs], ce qui a fait exploser les salaires des joueurs sur LoL et les équipes européennes n'ont pas pu s'aligner sur les salaires proposés à certaines stars", déplore Xavier Oswald, dont l'équipe Vitality est actuellement en tête du tournoi européen de LoL, qui pourrait à son tour prochainement être transformé en ligue fermée.

"Les éditeurs [de jeux] ont intérêt à organiser les compétitions et franchiser des équipes afin qu'elles puissent organiser leur marketing. Mais il va falloir encore un peu de temps pour passer d’un modèle d'équipe à celui des franchises. On devrait avoir une cohabitation de l'un et de l'autre, selon les compétitions", nuance cependant Vincent Chaudel.

Mickaël Piantchenko va plus loin et estime qu'"en dehors des Etats-Unis, le modèle ne prendra pas. Il y a beaucoup d'éducation à faire en Europe et en Asie pour pousser ce type d'organisation, qui n'est pas dans la culture sportive".

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Kamala Harris
Kamala Harris, ou comment passer de la reine de la justice californienne à valet par défaut
PORTRAIT CRACHE - Samedi 27 juillet, la vice-présidente américaine Kamala Harris a officialisé sa candidature à la présidence des États-Unis, une semaine après le retr...
03 août 2024 - 12:49
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.