Marges de rêve pour le luxe français, même si les prix ont peu augmenté
Hermès, Kering, LVMH: les trois géants français du luxe ont bouclé 2017 sur des marges insolentes, dépassant parfois les 30%, une rentabilité qui doit plus à une habile gestion des coûts qu'à des augmentations de prix, selon des analystes du secteur.
Particulièrement scrutée, la marge opérationnelle d'un groupe renseigne sur la rentabilité de ses ventes, mais aussi sa capacité à maîtriser les coûts. En tête du palmarès 2017, Hermès a bouclé son année sur une marge "record" de 34,6% - en hausse de deux points sur un an.
"Cette progression exceptionnelle résulte principalement du succès des collections, de la très bonne productivité des sites de production et de l'impact positif des couvertures de change", a résumé le sellier-maroquinier mercredi, lors de la publication de ses résultats annuels.
Il est talonné de très près par la pépite italienne du groupe Kering, Gucci, "dont la profitabilité a atteint un niveau historique de 34,2%" des ventes, avait précisé en février Jean-Marc Duplaix, directeur financier de Kering.
Mais une autre marque bat très certainement Hermès et Gucci à plate couture s'agissant des marges: Louis Vuitton, mastodonte du groupe LVMH, aux performances financières tenues secrètes mais dont la rentabilité avoisinerait les 40% selon les estimations des analystes.
"Ce sont des taux de marges uniques, voire déments. C'est sur la soie et surtout le cuir que ces marques font des taux de marge énormes. Et c'est parce qu'elles vendent de plus en plus de cuir et de soie que le taux de marge progresse aussi bien", résume à l'AFP Arnaud Cadart, gérant de portefeuilles chez Flornoy & Associés.
Il met également en avant "l'efficacité et la vigilance" des géants français du luxe face aux aléas économiques, comme le ralentissement de la croissance chinoise en 2012. "Ce sont des professionnels du +business+, et plus les boîtes gérées à la +papy+ du début du XXe siècle".
- Rapport qualité-prix -
Divers facteurs favorisent ces marges, renchérit Luca Solca, analyste chez Exane BNP Paribas: "une croissance organique élevée qui montre que les entreprises ont géré d'une façon prudente les coûts, une augmentation de la productivité au m2 car elles ont cessé d'ouvrir" tous azimuts "de nouveaux magasins, et le développement des ventes en ligne qui ont des marges encore plus intéressantes".
"Mais le levier prix n'a pas contribué pour beaucoup à l'augmentation des profits" en 2017, tient à souligner Luca Solca.
"Les prix n'augmentent plus énormément; ils avaient beaucoup augmenté avec la montée en puissance des clients chinois, mais depuis trois ou quatre ans, les marques y vont mollo sur les hausses et elles n'exagèrent pas trop, même si la latitude reste quand même énorme", ajoute Arnaud Cadart.
"Il y a eu peu d'effets prix", a aussi insisté mercredi le président d'Hermès, Axel Dumas, soulignant que la croissance du groupe "repose essentiellement sur les volumes, et est donc saine et vertueuse".
"Les produits Hermès valent très cher mais la matière première est aussi d'un coût très important", précise pour sa part Jérôme Sanchez, gérant chez VEGA IM, qui souligne que la maison du faubourg Saint-Honoré "vit toujours sur le Birkin et le Kelly", ses modèles historiques.
Reste à savoir si le secteur, Hermès en tête, a atteint son maximum en termes de marge opérationnelle: "On peut toujours faire mieux, mais cela voudrait dire sacrifier des investissements pour l'avenir, donc personne ne s'y risque", estime Jérôme Sanchez.
Selon lui, "il y a un seuil à partir duquel ce serait un saut dans l'inconnu, et ces groupes-là sont des conglomérats donc ils se servent de ces marques (à forte marge, NDLR) pour financer leurs autres marques à relancer".
Pour Luca Solca, la limite est "le moment où le consommateur commence à se poser des questions sur le rapport qualité-prix. Une érosion peut se produire au fil du temps, et c'est un aspect auquel les marques doivent être attentives".
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