USA : pris pour cible, les fabricants d'opiacés veulent montrer patte blanche

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Par Jean-Louis Doublet - Washington (AFP)
Publié le 14 février 2018 - 09:42
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Une boîte de Naloxone Hydrochloride, médicament utilisé pour prévenir les effets d'une surdose de médicament narcotique
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© SPENCER PLATT / GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP/Archives
Une boîte de Naloxone Hydrochloride, médicament utilisé pour prévenir les effets d'une surdose de médicament narcotique
© SPENCER PLATT / GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP/Archives

Accusés d'être responsables de la surconsommation de médicaments opiacés aux Etats-Unis, les laboratoires qui les fabriquent veulent maintenant montrer qu'ils agissent pour décourager leur utilisation.

Purdue Pharma, une société non cotée en Bourse qui a fait la fortune d'une famille de philanthropes bien connus, les Sackler, a confirmé mardi sur Twitter qu'elle demandait désormais à ses représentants commerciaux de ne plus promouvoir auprès des médecins ces médicaments antidouleur, souvent détournés comme drogues.

Leur surprescription a créé chez des millions d'Américains une dépendance et les overdoses mortelles ont explosé ces dernières années.

Purdue Pharma fait partie des laboratoires que la ville de New York a attaqué en janvier devant la justice, leur réclamant un demi-milliard de dollars pour aider à financer la lutte contre cette crise.

Le taux de mortalité par overdoses à New York a doublé entre 2010 et 2016, et l'épidémie fait maintenant plus de victimes que les accidents de voiture et les homicides réunis, ont souligné les responsables de la ville en déposant cette plainte, qui vient s'ajouter à plus d'une centaine d'autres de même type aux Etats-Unis.

La crise des opiacés a été décrétée fin octobre urgence de santé publique par Donald Trump. Quelque 2,4 millions d'Américains en sont actuellement dépendants et 90 d'entre eux en meurent chaque jour.

C'est l'Oxycontin, vendu par Purdue Pharma, qui a enrichi la famille Sackler, célèbre pour sa générosité envers le monde des arts. Si ses fondateurs, les frères Mortimer et Arthur Sackler, sont aujourd'hui décédés, leur patronyme orne de multiples musées aux Etats-Unis, à Londres et même en France (aile Sackler des antiquités orientales au Louvre).

Certains de ses membres siègent toujours au Conseil d'administration de Purdue Pharma.

Le magazine New Yorker a publié en octobre un article au vitriol intitulé "La famille qui a bâti un empire de la douleur" affirmant que l'Oxycontin avait rapporté au total 35 milliards de dollars à Purdue Pharma depuis sa mise sur le marché en 1995, dont une bonne partie est allée aux Sackler.

Mais la famille garde une grande discrétion sur ses liens avec Purdue Pharma. Le site du groupe n'identifie ainsi pas ceux de ses membres qui siègent au Conseil d'administration.

- 'Moralement répréhensible' -

C'est une célèbre photographe américaine, Nan Goldin, qui a étalé sur la place publique en janvier la relation entre les riches philanthropes et l'opiacé.

Ex-dépendante aux opiacés, elle a formé un groupe, PAIN (Prescription Addiction Intervention Now) et lancé un hashtag #ShameonSackler, pour pousser Purdue Pharma et les Sackler à financer des programmes de traitement et de prévention, pour limiter les ordonnances d'opiacés et faire connaître leurs dangers.

Mme Goldin appelle aussi musées et universités qui bénéficient des largesses des Sackler à refuser leurs prochains dons.

Paradoxalement, sa croisade a reçu le soutien d'une des membres de la famille, Elizabeth Sackler, une fille d'Arthur. "L'épidémie des opiacés est une crise nationale et le rôle qu'y joue Purdue Pharma est moralement répréhensible", a-t-elle affirmé dans une déclaration à plusieurs médias américains.

Elle a souligné que son père, décédé en 1987, n'avait joué aucun rôle dans le développement et la commercialisation de l'Oxycontin et que sa participation dans Purdue Pharma avait été vendue à ses frères Mortimer et Raymond. "Aucun de ses descendants n'a jamais possédé une seule action de Purdue ou n'a profité de la vente de l'Oxycontin", a-t-elle assuré.

Purdue Pharma affiche sur son site internet une mise en garde contre les effets des opiacés et affirme son engagement "à faire partie de la solution en travaillant avec les forces de l'ordre au niveau local, les agences des Etats et les groupes d'action dans tout le pays".

Mais, selon un rapport rendu public lundi par la sénatrice démocrate Claire McCaskill, Purdue Pharma a apporté son soutien financier à l'association Washington Legal Foundation qui, en 2016, avait critiqué les recommandations des Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC) visant à limiter la prescription des opiacés dans le cas de douleur chronique.

Ce rapport liste une longue série d'associations médicales spécialisées dans le traitement de la douleur que Purdue Pharma et d'autres groupes pharmaceutiques produisant des opiacés ont aidées financièrement.

"Les organisations qui ont reçu un soutien significatif de ces fabricants ont, en fait, amplifié et renforcé les messages favorisant une augmentation de l'utilisation des opiacés", accuse Mme McCaskill.

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