Affaire Benalla : une audition qui laisse encore des zones d'ombre
Pourquoi Alexandre Benalla s'est-il servi de ses passeports diplomatiques pour rencontrer notamment des dirigeants africains après son licenciement à l'été? La deuxième audition lundi par la commission d'enquête sénatoriale de l'ex-chargé de mission d'Emmanuel Macron n'a pas apporté la lumière sur plusieurs zones d'ombre.
- Qui lui a rendu ses passeports diplomatiques?
Alexandre Benalla a disposé de deux passeports diplomatiques et deux de service. Il a affirmé lundi n'avoir pas menti aux sénateurs lors de sa première audition le 19 septembre lorsqu'il leur a dit que ses passeports diplomatiques étaient à l'Elysée.
"J'ai restitué mes passeports, les clés de mon bureau, le badge d'accès à l'Élysée" fin août 2018, affirme M. Benalla. "Ces passeports m'ont été rendus à nouveau alors que j'avais été contacté par un membre de l'Élysée, un personnel salarié de l'Élysée, début octobre 2018", avec "un certain nombre d'éléments personnels, un chéquier, une paire de clés".
M. Benalla reconnaît toutefois que les avoir utilisés était "une connerie".
Le directeur de cabinet d'Emmanuel Macron Patrick Strzoda a lui affirmé lors de son audition par la commission d'enquête le 16 janvier, que les passeports ne figuraient pas dans l'inventaire effectué le 2 août, au lendemain du départ de l'Elysée de l'ex-chargé de mission remercié fin juillet.
Comment a-t-il obtenu un passeport de service, y a-t-il eu falsification de document?
Patrick Strzoda avait dit devant la commission que M. Benalla avait été en possession de deux passeports de service, tous deux invalidés le 31 juillet 2018: le premier délivré en 2016, "bien avant" son arrivée à l'Élysée, le deuxième le 28 juin 2018.
Alexandre Benalla a demandé ce deuxième passeport alors qu'il était déchargé de sa participation à l'organisation des déplacements du chef de l'État à l'étranger.
M. Strzoda a affirmé avoir diligenté une enquête interne, soupçonnant M. Benalla d'avoir utilisé "un faux" pour obtenir ce passeport de service.
Dans l'enquête judiciaire, M. Benalla a été mis en examen pour utilisation abusive de ses passeports mais pas pour avoir utilisé "un faux" pour obtenir un passeport de service.
Devant la commission lundi, il s'est contenté de dire qu'il avait obtenu le passeport de service dans des conditions "normales".
- Qui était au courant de ses déplacements ?
"Je me suis déplacé des fois seul, des fois en délégation" mais "à titre privé", souligne M. Benalla. Il a reconnu avoir utilisé ses passeports à "une vingtaine de reprises, 23 fois exactement" et s'être déplacé "une dizaine de fois" en avion privé.
Il a dit avoir "informé des personnes qui devaient en connaître, par courtoisie", notamment à la présidence. Il a réfusé, malgré les nombreuses relances de la commission d'enquête du Sénat, de préciser qui.
Concernant son voyage au Tchad, lors duquel il a rencontré avec le président tchadien Idriss Déby, il a affirmé avoir prévenu la présidence a posteriori refusant de dire quand précisément.
"Je n'ai pas été emmené au Tchad contre rétribution, pour faciliter quelque affaire que ce soit", a-t-il précisé.
- Pourquoi a-t-il conservé un téléphone crypté Teorem ?
La commission se demande comment un téléphone sécurisé Teorem a pu rester en possession de M. Benalla bien après son limogeage.
M. Strzoda a dit que l'appareil - un Teorem fabriqué par Thales - "n'a été neutralisé que le 4 octobre", lorsque les services gestionnaires de ces appareils ont constaté que ce combiné "était manquant". M. Strzoda avait précisé que le successeur de M. Benalla n'avait "pas souhaité" disposer de ce type d'appareil sécurisé.
"Je n'ai jamais eu d'échange avec le Teorem depuis le 1er juillet avec qui que ce soit", a affirmé lundi M. Benalla, assurant n'avoir "pas connaissance" qu'il était en sa possession.
- Benalla a-t-il eu d'autres activités pendant ses fonctions à l'Elysée ?
Benalla a réaffirmé "solennellement" qu'il n'avait "aucun lien d'ordre professionnel", lorsqu'il travaillait à l'Elysée, avec des sociétés privées liées à des activités de sécurité ou de défense mais des liens personnels avec des personnes pouvant y travailler.
L'entourage de M. Benalla avait affirmé en décembre qu'il faisait du "consulting" et que ses premières missions étaient "dans le domaine de la sécurité".
Il a confirmé connaître notamment Philippe Hababou Solomon, un homme d'affaires franco-israélien avec qui il s'en rendu en Afrique. Il a expliqué l'avoir connu "après ses fonctions" à l'Elysée, "au mois d'octobre 2018".
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