Agriculture grisonnante recherche paysans désespérément

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Par Nicolas GUBERT - Paris (AFP)
Publié le 02 mars 2019 - 12:20
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Jean-Baptiste Loyatho éleveur de cochons avec sa fille Leire, au salon de l'Agriculture à Paris, le 23 février 2019
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© LUCAS BARIOULET / AFP
Jean-Baptiste Loyatho éleveur de cochons avec sa fille Leire, au salon de l'Agriculture à Paris, le 23 février 2019
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Remplacer un paysan sur deux dans les dix ans: cette tâche immense, à laquelle doit faire face l'agriculture française pour ne pas périr, se heurte à plusieurs écueils, entre l'affaiblissement de l'agriculture familiale et des paysans parfois mal préparés à lâcher l'accomplissement de toute une vie.

"C'est le vrai défi de l'agriculture: dans les dix ans à venir, un paysan sur deux va quitter le métier d'agriculteur, un sur trois dans les cinq ans", constate Raymond Vial, responsable pour les chambres d'agriculture du dossier installations et transmissions.

Et ce "papy-boom" rural pourrait encore s'aggraver, juge Jean-Luc Poulain, président du Salon de l'agriculture: "On voit beaucoup de responsables d'exploitations qui arrêtent avant l'âge", du fait des "conditions économiques".

Parmi les freins identifiés à l'installation de nouveaux agriculteurs revient souvent le bouleversement affectif lié à la cession d'une exploitation parfois dans la famille depuis des générations.

"Réussir sa transmission, c'est permettre la réussite d'un projet autre que le sien", résume Jacques Abadie, sociologue à l'Ensat de Toulouse, dans JA Mag.

Une maxime que semble avoir fait sienne Jean-Baptiste Loyatho, éleveur de cochons dans les Pyrénées-Orientales et producteur de charcuterie commercialisée en vente directe.

"Je n'ai pas voulu faire hériter mes enfants, j'ai voulu faire un projet avec eux", explique cet éleveur de 59 ans, qui a associé toute sa famille à l'affaire.

"Il y a un aspect affectif. Mes parents sont partis d'un cochon, ils ont mis toutes leurs tripes dans l'entreprise qui a 25 ans, exactement mon âge", explique sa fille Leire.

Mais ce modèle familial de transmission a du plomb dans l'aile. "Aujourd'hui, les installations hors cadre familial représentent 30%. Je pense qu'on arrivera à 50% dans les cinq ans", indique M. Vial.

Faiblesse des revenus? Mauvaise image du secteur? Raymond Vial balaie toute hypothèse de désaffection: "On oublie de dire que le monde agricole est un monde où il y a beaucoup de célibataires, donc il n'y a pas eu assez d'enfants."

- La femme est l'avenir des sols -

Le nombre de porteurs de projets d'installation qui n'étaient pas d'origine agricole représentaient un peu plus de 62% des effectifs en 2017, selon les chambres d'agriculture.

Ils ont en partie contribué à un rebond de "20% d'installations en 2018", selon le président des Jeunes agriculteurs, Jérémy Decerle. "Malgré le manque d'attractivité, de perspectives dans ce métier, les jeunes ont quand même envie d'y venir."

Malgré tout, rappelle Raymond Vial, en France, "dans le meilleur des cas, on est à une installation pour deux départs".

Il évoque quand même quelques motifs d'espoir.

Ainsi, la réforme de la dotation jeunes agriculteurs, une aide financière pour le repreneur qui a été revalorisée, notamment avec l'implication des régions, "porte ses fruits", selon lui.

Cette aide, financée à 80% par l'Europe, augmente notamment si le repreneur met en place un projet agro-écologique ou s'il s'installe hors cadre familial. Elle a bénéficié à quelque 5.000 nouveaux paysans l'an dernier.

Parmi eux, Laure Darphin, jeune éleveuse de Côte d'Or. "Une entreprise agricole, c'est une entreprise, et quand on commence, on a besoin de beaucoup d'argent", explique-t-elle. N'étant pas héritière, elle a bénéficié de l'aide de l'association Terre de liens pour acquérir ses terres, mais tout de même investi pas moins de 200.000 euros pour acheter bovins et tracteur.

"Je ne sais pas s'il y a d'autres métiers où on te dit +Si tu t'engages et que tu joues le jeu, on te donne 25.000 euros+", relève-t-elle.

Elle porte en elle, sans le savoir, une partie des espoirs de Raymond Vial, pour qui les femmes vont "booster les choses": aujourd'hui, déjà 30% des chefs d'exploitations sont des cheffes, et "ça dépend des filières, mais on est entre 40% et 50% de filles dans les écoles d'agriculture", ajoute-t-il, saluant "une vision différente" de la vie et de l'agriculture.

"On le voit dans la viticulture, où elles se différencient souvent, elles n'ont pas la même approche, en matière de traitement, dans la vente, de fabrication du vin."

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