Au défilé des blessés "gilets jaunes", des "vies détruites" et une sourde colère

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Par Emmanuel DUPARCQ - Paris (AFP)
Publié le 02 février 2019 - 21:06
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Des manifestants "gilets jaunes" défilent contre les violences policières à Paris, le 2 février 2019
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© Lucas BARIOULET / AFP
Des manifestants "gilets jaunes" défilent contre les violences policières à Paris, le 2 février 2019
© Lucas BARIOULET / AFP

"Je n’avais rien fait. Qui va m’embaucher maintenant?": samedi à Paris, des "gilets jaunes" blessés en manifestation ont confié leur désarroi et leur incompréhension, dans un cortège en colère face à des "mutilations gratuites" qui "ne font qu'empirer les choses".

C'est le plus célèbre de leurs blessés qui a ouvert le rassemblement, peu avant midi, sur la place Daumesnil. Juché sur un promontoire, Jérôme Rodrigues, oeil droit caché par un pansement et un bandeau noir de pirate, bat la mesure face à une foule qui chante en chœur: "Emmanuel Macron, on vient te chercher chez toi!"

Le grand barbu de 39 ans, figure des "gilets jaunes" blessé la semaine dernière par un tir de lanceur de balle de défense (LBD) ou une grenade de désencerclement, est photographié, filmé, acclamé à l'envi. "Courage, Jérôme, on est avec toi", entend-on.

Plusieurs dizaines de manifestants ont suivi le mot d'ordre et se sont parés de faux pansements et bandages tâchés de faux sang par solidarité avec les "victimes des violences policières".

Tous réclament l'interdiction des trois armes de maintien de l'ordre (LBD, grenades GLI-F4 et DMP) responsables selon eux d'avoir gravement blessé plus d'une centaine de manifestants, dont une vingtaine ont été éborgnés ou presque et quatre ont eu la main arrachée.

Franck, un paysagiste de 20 ans, a perdu son oeil droit le 1er décembre à Paris, après avoir reçu un tir de LBD. Les forces de l'ordre sont pourtant tenues d'éviter de viser à la tête pour éviter les blessures graves.

"Je n'avais rien fait. J'étais dans un groupe pacifiste. J'aimerais bien que ce CRS se manifeste, vienne et droit dans les yeux me dise pourquoi il m'a tiré dessus. Parce que là, il a gâché ma vie", dit-il.

Autour de lui, la foule gronde. "Macron démission, Castaner en prison!". "Aucun policier responsable de blessures grave n'a été suspendu depuis. C'est scandaleux", explique l'un des organisateurs de la marche.

- "Mutilations gratuites"-

Le gouvernement, qui ne reconnaît que quelques cas de blessures graves, affirme que les victimes s'en sont prises aux forces de l'ordre ou sont des "casseurs".

"Mensonges", répondent à l'unisson les "gilets jaunes", en donnant pour preuve les multiples vidéos amateurs montrant des manifestants blessés alors qu'ils s'enfuyaient ou, comme Jérôme Rodrigues, ne menaçaient personne.

"C'est intolérable, inacceptable. Ce sont des blessures qui mutilent, qui détruisent des vies, alors que nous ne sommes pas des casseurs, nous sommes des pacifistes!", dénonce Antonio, un des organisateurs de la manifestation, lui-même blessé par l'explosion d'une grenade le 24 novembre.

"Qui va m'embaucher? Je ne pense pas qu'un patron va prendre un ouvrier comme moi avec un oeil en moins", lâche Franck.

"En voyant mon visage, mes enfants ont été bouleversés", explique Patrice Philippe, 49 ans, victime lui aussi d'un tir de LBD, le 8 décembre à Paris. Désormais inapte à conduire un poids lourd, il a perdu son emploi de chauffeur routier.

Tout comme Ilias, un mécanicien de 20 ans, atteint à la main qu'il avait mise devant son visage pour se protéger. Victimes de "4 fractures" et au chômage, il fait beaucoup "de cauchemars la nuit".

Antonio, lui, "ne peut plus travailler" et pourrait boiter toute sa vie.

Autour d'eux, tous les "gilets jaunes" interrogés par l'AFP se disent "révoltés" par ces "mutilations gratuites" qui, disent-ils, ne font que décupler leur envie de poursuivre la mobilisation.

"Ça donne encore plus de rage aux gens. l’État ne joue plus son rôle de régulateur social et donne dans la surenchère. Cela ne fera qu'amener plus de violence", explique, dépité, Jean-Jacques, 62 ans, venu d'Argenteuil.

Le cortège est resté bon enfant et plutôt festif jusqu'à sa destination finale, place de la République. Là, comme les samedis précédents, des heurts ont éclaté.

Au moins un manifestant a alors été touché à la tête par un tir de LBD, a constaté l'AFP. Lèvres arrachées côté gauche, il a été évacué par les pompiers, sous l’œil d'un de ses amis qui a lâché, dégoûté: "Ils lui ont tiré dans la tête".

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