A Bois d'Arcy, trois détenus dans une cellule de 9 m2 où "il pleut sur leur tête"


Trois détenus dans 9 m2... A Bois d'Arcy (Yvelines), où "il pleut dans les cellules", la députée Yaël Braun-Pivet (LREM) a pu constater la réalité de la surpopulation carcérale lors d'une opération surprise de contrôle parlementaire des prisons menée lundi sur tout le territoire, de Douai aux Baumettes.
09H00: la présidente de la commission des lois de l'Assemblée sonne à l'entrée de la maison d'arrêt. Ancienne avocate, la députée n'est pas une novice et est accueillie quelques minutes plus tard par la directrice Odile Cardon qui se pliera volontiers à cette visite inopinée.
"On n'a rien à cacher. Les conditions de détention ici ne sont pas bonnes", témoigne Mme Cardon, en poste depuis avril.
Construite en 1980 dans un environnement verdoyant , surnommée "Beaubourg" en raison de sa structure verticale et circulaire, avec un poste central de surveillance à chaque étage, "la structure est assez dégradée, avec un gros souci d'étanchéité (...) Il pleut sur la tête des détenus", résume-t-elle.
La visite des différents quartiers confirmera cette vétusté, aggravée par la surpopulation, avec 976 détenus, uniquement des hommes, pour 500 cellules.
Point d'orgue, la quarantaine de cellules occupées par trois détenus. Soit 65 cm entre d'un côté deux lits superposés et le troisième de l'autre. Une armoire et une table trop petites. "Il y en a un qui mange assis sur son lit avec son plat sur le tabouret", résume un détenu.
Ni plaque chauffante, ni réfrigérateur car le réseau électrique est trop vétuste. Les détenus utilisent des "thermoplongeurs", ce qui peut faire sauter les plombs. Et l'humidité toujours autour des fenêtres.
"Il faudrait repeindre du sol au plafond, mais où mettre les détenus ?", s'interroge un surveillant.
Devant la députée, les détenus ne sont pas revendicatifs mais plutôt résignés. "Chacun fait un effort", "on s'entraide"...
Au quartier disciplinaire, où les droits sont réduits (pas de télé, un coup de fil et parloir une fois par semaine), un détenu passe une semaine pour avoir fait entrer 25 grammes de cannabis.
"On a saisi 5 kg de cannabis depuis 2017. A partir de 20 g, on saisit le parquet", explique la directrice. Autre saisie importante, les téléphones, 500 depuis le début de l'année. "Il faudrait mettre des téléphones en cellule", juge-t-elle.
Tout n'est pas noir. Les parloirs ont été refaits à neuf, sans séparation, deux cabines de video-conférence avec les juges ont été installé, le chauffage marche... Pas non plus de problèmes d'effectifs de surveillants, même si un sur deux est stagiaire.
L'établissement dispose aussi de sept formations professionnelles qualifiantes, dont un vaste atelier de mécanique auto, pour environ 150 détenus par an.
La responsable du service médical Béatrice Carton se dit "plutôt chanceuse" avec un service refait à neuf et bien équipé. Mais là aussi elle constate aussi "les conséquences de la promiscuité": "des cas de gale, des bagarres sévères, des auto-mutilations..."
Surtout, "on a 20 à 30% de profils psychiatriques lourds qui sont très perturbateurs et n'ont rien à faire ici", déplore la directrice.
- trente prisons visitées le même jour -
13H00: Mme Braun-Pivet n'a pas eu le temps de visiter le nouveau quartier semi-liberté ou de voir les douches "assez sales" selon la directrice.
Mais elle se dit "impressionnée par la qualité des relations entre surveillants, et entre surveillants et détenus" en dépit de ces difficultés.
Avec la trentaine d'autres députés, de tous bords, ayant visité une prison ce lundi, ils débattront mercredi en commission, puis le 14 novembre avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan.
L'objectif est aussi d'influencer "les chantiers de la justice", initiés par la ministre Nicole Belloubet, dont un sur "le sens et l'efficacité de la peine".
Alors que le gouvernement a confirmé la construction de 15.000 nouvelles places de prison, elle tire de sa visite qu'il faudrait davantage d'établissements pour des publics spécifiques (psychiatriques, radicalisés, etc) et expérimenter des centres de détention ouverts.
Si la séquence parlementaire est concluante, elle pense la renouveler sur d'autres thématiques (policiers, mineurs, étrangers...) afin "d'aborder les politiques publiques par des contrôles sur le terrain".
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.