Contre le harcèlement à l'école, des élèves "ambassadeurs" font le guet
Il lui était devenu "insupportable" d'aller en cours après des brimades au collège. "Pour éviter que d'autres subissent la même chose", Marine, 16 ans, est devenue "ambassadrice contre le harcèlement" dans son lycée de Clamart, où elle mène des actions de prévention.
En mars dernier, le ministre de l'Education, Jean-Michel Blanquer, disait vouloir généraliser ce dispositif, lancé en 2015 et qui touche aujourd'hui environ un lycée sur deux et est encore embryonnaire au collège.
Les "ambassadeurs" sont formés pour sensibiliser leurs camarades au harcèlement, et servir de relais avec l'équipe éducative en faisant remonter les cas les plus graves qu'ils suspectent.
Selon plusieurs enquêtes, le harcèlement toucherait 10% des élèves de primaire, 6% des collégiens et 1,4% des lycéens.
Au lycée Jacques-Monot de Clamart (Hauts-de-Seine), une "cellule H" - anti-harcèlement - rassemble une quinzaine de jeunes volontaires, qui réfléchissent notamment à la manière de parler de ce fléau au sein de l'établissement.
Parmi eux, trois "ambassadeurs" ont reçu une formation spécifique de l'académie de Versailles. Jeudi, lors de la journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire, ils interviendront dans des écoles primaires de Clamart sur ce thème.
Parmi eux, Marine, élève de Première, s'est engagée après avoir elle-même été harcelée en classe de Troisième. "Je faisais partie d'un groupe d'amies qui a commencé à se moquer de moi, de mon physique", raconte-t-elle. Sans raison, tous les jours elle encaisse une nouvelle réflexion, une bousculade, un mauvais regard. "Petit à petit, je me suis retrouvée seule dans la cour, à la cantine".
Elle prévient ses parents, qui alertent le collège. Aucune sanction n'est prononcée. Marine explique que ses résultats ont baissé, qu'il était devenu "insupportable" d'aller en cours. Le harcèlement ne prend fin que lorsque la jeune fille entre au lycée, un grand établissement de 1.300 élèves, où elle parvient à nouer d'autres amitiés.
"J'ai souhaité m'engager pour aider un maximum de personnes à ne pas avoir à subir ça", explique-t-elle.
- Petits signaux d'alerte -
Grâce à la formation reçue, elle pense "savoir comment réagir" en cas de harcèlement: "au début de l'année, j'ai repéré une fille qui se faisait embêter, je l'ai informée de l'existence de notre cellule. Si quelque chose de grave se produit, elle viendra me parler", espère Marine.
Un compte instagram a été récemment créé pour permettre aux lycéens de témoigner en cas de problème, anonymement s'ils le souhaitent. "Il a déjà plus de 260 abonnés", se réjouit Issa, 16 ans, également "ambassadeur".
"J'ai appris à détecter les petits signaux d'alerte", affirme ce grand ado souriant: "quand une personne se retrouve isolée, est de plus en plus souvent absente, subitement moins active sur les réseaux sociaux, ou encore que ses résultats baissent".
"Beaucoup d'élèves préfèrent se confier d'abord à leurs pairs", indique Mélanie Blino, une des conseillère principale d'éducation (CPE). Au lycée de Clamart, une "cellule adultes", composée d'une dizaine de personnes (CPE, professeurs volontaire) se réunit une fois par mois pour "faire le point" sur les éventuels cas signalés par les parents, les enseignants, ou les élèves.
Depuis trois ans, huit cas ont été traités, essentiellement grâce à la méthode "Pikas", venue d'Europe du Nord, en pointe sur le sujet.
"On organise un ou plusieurs entretiens non culpabilisants avec la personne harceleuse, qui ont pour but de développer chez elle l'empathie envers la personne harcelée", explique Mélanie Blino.
Reste que l'institution scolaire ne peut pas tout face au harcèlement. "Ce n'est pas souvent en cours que ça se passe", reconnaît Inès, "ambassadrice" de Terminale. "Il est beaucoup plus facile de critiquer quelqu'un à travers un écran".
Selon le ministère de l'Education, 55% des élèves en situation de harcèlement sont touchés par la cyberviolence.
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