"Disparues de Perpignan" : comment l'ADN a sauvé une enquête en panne
Pendant 17 ans, l'enquête sur les "disparues de Perpignan" est restée dans l'impasse jusqu'en 2014 lorsque les progrès des analyses ADN et un nouveau logiciel de traitement du fichier des délinquants sexuels ont permis de confondre Jacques Rançon, jugé depuis le 5 mars aux assises.
L'experte Marie-Hélène Cherpin a longuement expliqué mardi aux jurés de la cour d'assises des Pyrénées-Orientales, comment les évolutions "techniques et juridiques" ont pu faire parler une trace d'ADN laissée sur la chaussure de l'une des deux femmes violées et assassinées en 1997 et 1998.
"Techniquement, c'est le dossier le plus difficile que j'ai traité", a lancé en préambule cette scientifique de 65 ans qui était responsable des analyses génétiques au laboratoire Biomnis à Lyon.
L'experte a détaillé le travail de fourmi des expertises ADN, au 10e jour du procès de Jacques Rançon pour l'assassinat et le viol de Moktaria Chaïb, 19 ans, et de Marie-Hélène Gonzalez, 22 ans, la tentative de meurtre de Sabrina, 19 ans, ainsi que la tentative de viol de Nadia (prénom d'emprunt), 17 ans.
"En 1998, avec les outils d'analyses qui existaient, il aurait été très difficile d'arriver à ce résultat", a affirmé Mme Cherpin, soulignant que le travail de deux autres laboratoires, au début de l'enquête, n'était pas en cause.
Entre janvier 2012 et février 2013, la magistrate en charge du dossier du "tueur de la gare" a fait refaire l'ensemble des analyses ADN par le laboratoire lyonnais.
Sur les chaussures de Moktaria Chaïb, Marie-Hélène Cherpin retrouve alors "les empreintes partielles de deux ADN masculins". A l'été 2014, un nouveau logiciel permet de faire des rapprochements à partir de "profils partiels" sur le fichier national des empreintes génétiques (FNAEG).
- "Ca matche" -
La juge d'instruction missionne alors le laboratoire Biomnis pour faire des comparaisons avec les ADN retrouvés sur les chaussures.
Et là, ça "matche" avec le profil de Jacques Rançon, s'enthousiasme l'experte. L'ancien cariste-magasinier originaire de Picardie figure dans le FNAEG depuis 2001.
Elle affirme que malgré l'exploitation d'un "profil partiel" le risque d'erreur sur l'identification de l'accusé n'est que de un sur 540 milliards.
Le 16 octobre 2014, Rançon est placé en garde à vue et finit par avouer le meurtre de Moktaria Chaïb qu'il avait croisée par hasard.
Avec force détails, Rançon a expliqué aux policiers de la PJ, qu'il avait découpé les seins et le bas ventre de la jeune femme pour ne pas laisser de traces.
En revanche, les expertises dans le dossier de Marie-Hélène Gonzalez "n'ont pas eu de résultats probants", a poursuivi la scientifique, même si son travail a tout de même permis d'écarter définitivement plusieurs suspects.
C'est notamment le cas d'un chirurgien péruvien qui avait été soupçonné. Les premières expertises médico-légales sur les deux femmes assassinées avaient mis en lumière, pensait-on alors, la précision "chirurgicale" des mutilations, orientant les enquêteurs vers un médecin.
Mardi après-midi, le professeur de Médecine légale de Montpellier, Eric Baccino, a démonté la thèse d'un tueur ayant des connaissances anatomiques.
Selon cet expert, les blessures infligées montrent "une volonté de tuer" dans le cas de Sabrina, tandis que pour Moktaria et Marie-Hélène, il décèle "un motif sexuel qui se transforme en intention homicide".
Après son arrestation, Rançon a été reconnu sur une photo parue dans la presse locale par Sabrina, agressée et laissée pour morte en mars 1998.
En 2015, il avouait les deux homicides et les tentatives d'homicide et de viol.
En fin d'audience mardi, le président a donné la parole aux proches des deux jeunes femmes tuées.
Un frère de Moktaria Chaïb, la mère et la soeur de Marie-Hélène Gonzalez n'ont pu retenir leur haine, invectivant l'accusé. Mais même face aux cris de cette mère en pleurs, Jacques Rançon est resté prostré, les yeux rivés sur ses pieds, refusant de la regarder comme elle le demandait.
Le verdict est attendu le 26 mars.
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