Doutes sur "l'innocuité" du dioxyde de titane : sera-t-il banni des assiettes ?
Bonbons, gâteaux, plats cuisinés... La décision de suspendre ou non le dioxyde de titane dans l'alimentation est désormais entre les mains de Bercy après le nouvel avis de l'Anses qui n'a pu "lever les incertitudes sur l'innocuité" de l'additif controversé.
Signalé sur les étiquettes par TiO2 ou E171, cette poudre blanche est utilisée principalement comme colorant, pour blanchir ou intensifier la brillance des produits alimentaires.
C'est surtout le fait que cette substance contienne des nanoparticules - d'une taille inférieure à 100 nanomètres facilitant leur pénétration dans l'organisme - qui soulève depuis plusieurs années l'inquiétude des associations de défense des consommateurs et de l'environnement.
Face à ces doutes, la secrétaire d'Etat à la Transition écologique Brune Poirson avait annoncé en mai 2018 la suspension de son utilisation dans les produits alimentaires d'ici à la fin 2018 - suspension et non interdiction, qui elle dépend de l'UE.
La disposition avait été reprise dans la loi alimentation promulguée en novembre mais elle ne peut s'appliquer sans un arrêté du ministère de l'Economie, arrêté que Bruno Le Maire avait refusé de signer tout de suite.
Confronté à la colère des ONG, le ministre avait finalement assuré de sa volonté d'interdire le colorant, sous réserve d'un nouvel avis de l'agence sanitaire Anses réclamé pour le 15 avril.
L'agence a ainsi analysé 25 nouvelles études sur la toxicité du dioxyde de titane par voie orale, parues depuis son dernier avis en 2017. Et soulignant "le manque de données scientifiques", elle conclut "qu'elle ne dispose pas d'éléments nouveaux permettant de lever les incertitudes sur l'innocuité de l'additif E171". Ces études ne permettent notamment pas de "confirmer ou d'infirmer le potentiel" cancérogène.
"Dans l’attente d’une meilleure caractérisation du danger et des risques du E171, elle réitère ses recommandations générales sur les nanomatériaux visant notamment à limiter l’exposition des travailleurs, des consommateurs et de l'environnement, en favorisant des alternatives sûres et équivalentes en termes d’efficacité", ajoute l'agence qui travaille sur une autre expertise sur les nanomatériaux dans l'alimentation.
La balle est donc désormais à Bercy.
- "Le moindre risque" -
"Si l'Anses me confirme qu'il peut y avoir le moindre risque pour la santé publique, je dis bien le moindre risque, même si c'est un risque très léger, dans ce cas là je prendrais des mesures avec le ministre de l'Environnement pour interdire dans les denrées alimentaires la commercialisation de cet additif E171", a assuré lundi matin Bruno Le Maire devant des journalistes.
"La suspension du dioxyde de titane dans l'alimentation doit être effective le plus rapidement possible et ne doit pas être assortie de délais et dérogations diverses", ont réagi les ONG foodwatch et Agir pour l'environnement.
L'Institut national de la recherche agronomique (INRA) avait estimé en 2017 que l'exposition au E171 favorisait la croissance de lésions pré-cancéreuses chez le rat. Sans que ces résultats ne permettent de conclure sur ses effets sur l’homme.
En juillet, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) avait estimé que cette étude et trois autres soumises par la France ne remettaient pas en cause son évaluation de 2016, qui concluait que le dioxyde de titane n'était "pas de nature à entraîner un risque sanitaire". Le mois suivant, la Commission européenne lui commandait toutefois un nouvel avis, attendu pour mi-2019, qui devra se pencher en particulier sur la taille des particules.
Face aux critiques, certains industriels ont annoncé retirer le dioxyde de titane de leurs recettes ou magasins, comme Carambar and Co de ses Malabar ou encore Carrefour, Super U, Leclerc, Picard et William Saurin.
Mais d'autres ont mis en avant des délais d'adaptation.
Pour l'UFC-Que Choisir, au delà d'une interdiction du colorant alimentaire "immédiatement", il faut que le gouvernement fasse "preuve de cohérence" en élargissant la décision aux cosmétiques (dentifrice) et médicaments, pas concernés par la loi alimentation.
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