En plein centre de Nantes, un campement de migrants dans l'impasse
Rats, gale, abris de fortune... Expulsé par la police en juillet, réinstallé peu après, un campement en plein centre de Nantes héberge encore quelque 450 réfugiés soudanais et érythréens dans des conditions spartiates. Un casse-tête pour les autorités.
"C'est une situation inextricable", assure à l'AFP la préfète de région Nicole Klein. "On n'a aucune possibilité d'hébergement. Le dispositif est complètement plein, il n'y a plus de place."
Fin juillet, la préfète avait ordonné l'évacuation, pour raisons sanitaires, de ce campement situé dans un square à quelques pas de la place du commerce, dans l'hyper-centre de la ville. Quelques 150 personnes, les plus vulnérables, avaient alors été mises à l'abri, tandis que 300 autres avaient passé la nuit dans un ancien lycée, dont elles ont été expulsées une semaine plus tard.
Depuis, le bivouac s'est peu à peu reconstitué, pour retrouver son niveau du mois de juillet. Environ 200 tentes, vertes et bleues, se sont installées sur les pelouses entourant le square Daviais, devenu trop petit pour accueillir les nombreux Soudanais et Érythréens qui y ont échoué.
Quatre cabines de douche ont été posées la semaine dernière, les bains-douches publics ne pouvant plus faire face à la demande. Les toilettes, en revanche, sont à 500 mètres du campement, là où sont distribués les repas préparés chaque jour par des bénévoles.
"La situation empire de jour en jour. Les soirées commencent à être fraîches, les gens tombent malades", raconte Christophe Jouin, coordinateur de L'Autre Cantine qui distribue plus de 400 repas chaque soir aux migrants.
"Beaucoup de bénévoles, au moins une centaine, se mobilisent autour du camp", poursuit-il. "Nantes est fidèle à sa tradition d'accueil. Mais ce n'est pas grâce aux pouvoirs publics."
- Situation "pas tenable" -
La maire de Nantes, Johanna Rolland (PS), s'est défendue de toute inaction en soulignant que la ville dépensait chaque année 1 million d'euros pour l'accueil des migrants, alors que ce n'est pas de sa compétence. La ville a notamment ouvert un gymnase pour accueillir 90 personnes "les plus fragiles".
Et dans une lettre au Premier ministre Edouard Philippe datée du 20 août et restée sans réponse, Mme Rolland a demandé l'ouverture de nouvelles places d'hébergement en centre d'accueil des demandeurs d'asile (Cada). "La situation sur le square Daviais n’est pas tenable (...), elle n’est pas acceptable. Il y va de la dignité de ces hommes et ces femmes. On ne peut pas imaginer durablement un camp de fortune dans le cœur de la ville", a-t-elle déclaré jeudi dans le quotidien régional Ouest-France.
"C'est un dossier qui illustre les problèmes nationaux. On ne peut pas héberger tous ceux qui sont là", estime la préfète Nicole Klein.
"Ce qui se passe à Nantes, ce n'est pas du tout la manifestation d'une submersion de la demande d'asile en France", rétorque Pascal Brice, directeur de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra), qui prévoit 120.000 demandes d'asile en France en 2018, un chiffre en hausse de 15% environ sur un an.
"C'est surtout révélateur des progrès qui restent à faire dans le domaine de l'asile en France, notamment au regard de l'hébergement", poursuit-il.
La semaine dernière, l'Ofpra a envoyé une dizaine d'agents à Nantes pour examiner en urgence les dossiers des habitants du square Daviais. Essentiellement Érythréens ou Soudanais du Darfour, ils devraient pour une grande partie d'entre eux bénéficier du droit d'asile en raison de la situation dans leurs pays d'origine.
En attendant, "nous devrions être capables d'inventer de nouvelles formes d'hébergement", estime le directeur de l'Ofpra. "Il faut absolument sortir de cette situation: c'est indigne pour les demandeurs d'asile et les habitants des villes concernées."
Durant l'été, le diocèse avait proposé une soixantaine d'hébergements temporaires pour des migrants. Et des associations nantaises se sont engagées à faire des travaux dans des bâtiments vides qui seraient mis à disposition par la ville ou l’État. "Ça nous est refusé", affirme le coordinateur de l'Autre Cantine, Christophe Jouin, dépité.
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