Palme d'or à Kore-Eda, palme de la colère à Asia Argento, accusatrice de Weinstein (diaporama)
Le nom du grand absent Harvey Weinstein a fini par surgir, par la voix d'une de ses accusatrices. Avec un discours incendiaire contre le producteur américain, Asia Argento a bousculé samedi la clôture du 71e Festival de Cannes qui a offert sa Palme d'or au Japonais Kore-Eda.
"En 1997 j'ai été violée par Harvey Weinstein ici à Cannes. (...) Ce festival était son terrain de chasse", a déclaré l'Italienne, dont la présence avait été gardée secrète.
Toute de noire vêtue, Asia Argento a souhaité que le producteur ne soit "plus jamais le bienvenu" sur la Croisette avant de conclure le poing levé, au moment même où l'on apprenait que Luc Besson était visé par une plainte pour viol, accusations que le réalisateur et producteur français a qualifié de "fantaisistes".
Pour sa première édition depuis le séisme Weinstein, le Festival de Cannes a déroulé le tapis rouge aux femmes et multiplié les symboles, avec la nomination notamment de l'engagée actrice australienne Cate Blanchett comme présidente du jury.
Autre moment fort: une montée des marches de 82 femmes du 7e Art pour réclamer "l'égalité salariale".
Mais c'est aussi sur le palmarès que le jury était attendu, alors qu'une seule femme a été couronné dans l'histoire de Cannes, la Néo-Zélandaise Jane Campion pour "La leçon de piano", il y a 25 ans.
- Enfance maltraitée -
Au final, le jury a récompensé deux des trois réalisatrices en compétition: l'Italienne Alice Rohrwacher, prix du scénario pour "Heureux comme Lazzaro", ex aequo avec Jafar Panahi ("Trois visages"), et la Libanaise Nadine Labaki (prix du jury pour "Capharnaüm").
Elle a bouleversé la Croisette en filmant un gamin des bidonvilles qui poursuit en justice ses parents pour lui avoir donné la vie. Un film interprété par un bluffant réfugié syrien de 13 ans, à ses côtés lorsqu'elle a reçu sa récompense.
"Pendant que je fête le cinéma avec vous, je ne peux pas ne pas penser à une petite fille qui s'appelle Cedra, qui a joué (...) dans le film,. Aujourd'hui, elle a probablement passé toute sa journée debout sous le soleil, le visage collé contre les vitres des voitures", a lancé, très émue, Nadine Labaki.
L'enfance maltraitée est également un des thèmes abordés dans "Une affaire de famille" du Japonais Hirokazu Kore-Eda, une Palme d'or à même de satisfaire les cinéphiles avertis mais aussi un public assez large.
"La décision a été difficile (...) mais il n'y a pas eu d'effusion de sang", a souri Cate Blanchett après la cérémonie. "Il y a une grâce dans ce film, dans la mise en scène", a commenté le réalisateur Denis Villeneuve, membre du jury.
Sélectionné cinq fois en compétition, Kore-Eda est récompensé avec l'histoire d'une famille de marginaux qui recueille une fillette maltraitée.
Il a souhaité partager son prix avec le Russe Kirill Serebrennikov et l'Iranien Jafar Panahi, tous deux sous surveillance dans leur pays. Ils faisaient partie des 21 réalisateurs en lice pour la Palme d'or mais n'ont pas pu venir.
- Palme spéciale pour JLG -
Résolument engagé, le jury a également récompensé Spike Lee, pour "BlacKkKlansman", une charge contre l'Amérique de Trump et le racisme aux Etats-Unis.
Du côté des acteurs, l'Italien Marcello Fonte a remporté le prix d'interprétation pour "Dogman" de Matteo Garrone et l'actrice kazakhe Samal Esljamova, inconnue du grand public, s'est faite un nom avec le prix d'interprétation féminine pour "Ayka" de Sergueï Dvortsevoï.
Le prix de la mise en scène est revenu au Polonais Pawel Pawlikowski pour "Cold War", histoire d'un amour tourmenté pendant la Guerre froide.
Figure de la Nouvelle Vague et vétéran de la compétition avec ses 87 ans, Jean-Luc Godard a lui reçu une Palme d'or spéciale. Il était en compétition pour son énigmatique "Le livre d'image", qui a laissé plus d'un festivalier perplexe.
Cette édition cannoise a été critiquée par certains pour l'absence de stars hollywoodiennes, hormis la projection du nouvel épisode de Star Wars. Le Hollywood Reporter a ainsi jugé le Festival "sur le déclin". Pour d'autres cependant, comme Vanity Fair, Cannes "s'est réaffirmé comme la première destination pour un cinéma international audacieux et provocateur".
Les sections parallèles ont ainsi fourmillé de belles découvertes, dont "Girl" du Belge Lukas Dhont, Caméra d'or du premier film.
Avant de remballer le tapis rouge, les festivaliers ont enfin pu découvrir "L'Homme qui tua Don Quichotte" de Terry Gilliam, longtemps considéré comme un film maudit mais enfin sorti en France.
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