Feu vert au retour temporaire d'insecticides controversés dans les champs de betteraves à sucre

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Par Isabel MALSANG - Paris (AFP)
Publié le 03 septembre 2020 - 14:22
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Une feuille de betterave infectée par le virus de la jaunisse de la betterave dans une exploitation à Oye-Plage, dans le Pas-de-Calais, le 4 août 2020
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© DENIS CHARLET / AFP/Archives
Une feuille de betterave infectée par le virus de la jaunisse de la betterave dans une exploitation à Oye-Plage, dans le Pas-de-Calais, le 4 août 2020
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Sucre ou miel? Produire ou réduire? En ré-autorisant temporairement dans les champs de betteraves l'utilisation d'insecticides néonicotinoïdes néfastes pour les abeilles, le gouvernement fait un pas de côté dans la transition écologique de l'agriculture, au nom de l'emploi et de la souveraineté alimentaire du pays.

Le jour où il a dévoilé les détails du plan de relance de 100 milliards d'euros sur deux ans censé accélérer la transition verte et préparer la France de 2030, le gouvernement a aussi présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi permettant la réintroduction de semences de betteraves enrobées avec des néonicotinoïdes afin de protéger les rendements sucriers en France.

Le texte s'appuie sur l'article 53 du règlement européen sur les phytosanitaires permettant de déroger à l'interdiction de certains produits "en cas de circonstances particulières non maîtrisables, telles que celles qui affectent la culture de betterave sucrière en 2020".

Dans de nombreuses régions, les betteraves issues de semences non enrobées d'insecticide sont atteintes de "jaunisse", en raison d'un puceron vert vecteur de la maladie qui affaiblit les plantes.

Sous le feu des critiques des écologistes et apiculteurs, le gouvernement, qui avait interdit ce type de pesticide en 2018, a détaillé une liste de mesures pour "encadrer" son revirement afin de tenter de limiter les effets néfastes sur l'environnement.

La ré-autorisation est temporaire jusqu'en 2023 et devra être accordée chacune des trois années par arrêté conjoint des ministères de l'Agriculture et de l'Environnement.

Elle sera réservée à la filière betteraves et ne devrait pas être étendue à d'autres cultures comme le maïs, qui souhaitait aussi en bénéficier, ont indiqué des sources gouvernementales.

Pour protéger les pollinisateurs, l'agence sanitaire Anses établira une liste de cultures de plantes mellifères qui ne pourront pas être cultivées derrière les betteraves, pour ne pas exposer les insectes l'année suivante à des résidus de produits enfouis dans les sols et remontés par la sève des végétaux.

Un plan de protection plus global des pollinisateurs est en cours de discussion pour la fin de l'année.

Le gouvernement a par ailleurs débloqué 5 millions d'euros, dont une partie vient du plan de relance, pour accélérer les recherches agronomiques des semenciers afin de se passer de ces produits.

- Rendements les plus bas en 15 ans -

Derrière ce revirement s'inscrivent la survie et la pérennité de la filière agro-industrielle de la betterave à sucre, l'une des plus anciennes et des mieux organisées de l'agriculture française avec plus de 46.000 planteurs, et salariés dans les usines à sucre.

Lancée sous Napoléon 1er, la culture des betteraves a permis de garantir l'autonomie de la France en sucre depuis le XIXe siècle et ainsi d'échapper aux guerres commerciales de l'époque, notamment au blocus du sucre de canne importé des Antilles imposé par l'Angleterre.

Avec la relance du débat sur l'autonomie alimentaire du pays pendant le confinement, le nouveau ministre de l'Agriculture Julien Denormandie avait indiqué fin juillet que "jamais, jamais, jamais", il n'abandonnerait cette filière. Les planteurs touchés par la maladie devraient d'ailleurs être indemnisés, a indiqué le gouvernement.

Le syndicat du secteur CGB anticipe cette année les rendements les plus bas depuis 15 ans: une catastrophe pour les usines françaises de sucre et d'éthanol, souvent situées dans le nord du pays, qui sont menacées de fermeture ou contraintes d'importer leurs betteraves.

Car de l'autre côté de la frontière, les planteurs belges, néerlandais ou allemands continuent d'utiliser les néonicotinoïdes, douze pays de l'UE ayant demandé et obtenu des dérogations.

Côté écologistes, les critiques vont bon train, d'autant que la ministre qui a annoncé la ré-autorisation est celle qui avait obtenu la suppression, Barbara Pompili.

"A l'image du renoncement emblématique sur les néonicotinoïdes, pour Emmanuel Macron et son gouvernement l'environnement reste une variable d'ajustement" a estimé jeudi Jean-François Juilliard, directeur général de Greenpeace France.

Génération Ecologie a lancé une campagne pour s'y opposer, sa présidente et ancienne ministre de l'Ecologie Delphine Batho estimant qu'il avait été pris "sous pression des lobbys de l'industrie du sucre" avec des conséquences "monstrueuses" pour "les insectes, les oiseaux et l'ensemble du vivant".

Europe Ecologie Les Verts (EELV) a demandé "un plan de soutien financier et d'accompagnement des agriculteurs de la filière betteravière".

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