Extrême droite : Génération identitaire jugée jeudi pour son opération anti-migrants dans les Alpes
Est-il illégal de s'habiller comme des gendarmes, d'utiliser des hélicoptères, de jouer sur l'ambiguïté d'un jargon officiel dans sa communication? Le tribunal correctionnel de Gap juge jeudi Génération identitaire pour son action anti-migrants menée dans les Alpes il y a un an.
D'avril à juin 2018, le groupe d'extrême-droite avait conduit l'opération "Defend Europe" dans les Hautes-Alpes, pour dénoncer l'arrivée de migrants depuis l'Italie via les Alpes. L'opération faisait suite à une autre menée en 2017 à bord d'un bateau de location en Méditerranée, contre l'arrivée de migrants par la mer.
L'action inaugurale avait été spectaculaire avec le déploiement au col de l'Echelle, le 21 avril, d'une centaine de militants vêtus de la même doudoune bleu clair, de deux hélicoptères aux couleurs de "Defend Europe", d'un avion et de voitures siglées munies de drapeaux.
Les identitaires s'étaient limités ensuite à quelques maraudes, se vantant par exemple d'avoir remis aux gendarmes les photos d'un "activiste d'extrême-gauche" surpris en train de "transporter trois migrants africains à bord de son véhicule".
Dans cette région où 3.787 entrants illégaux ont été remis aux autorités italiennes en procédure de non-admission en 2018, et où, aussi, de nombreuses personnes se mobilisent en soutien aux migrants, le sort judiciaire de Génération identitaire est guetté.
- "Polémique" -
Le procureur de la République de Gap Raphaël Balland a dû mener "une enquête approfondie" pour trouver la qualification juridique adéquate et renvoyer devant le tribunal Génération identitaire, son président Clément Gandelin, son porte-parole Romain Espino, et un autre membre de l'association.
Dès l'action du col de l'Echelle, il avait ouvert une enquête sur d'éventuels menaces, violences ou propos racistes. Mais il avait dû la classer, les migrants eux-mêmes expliquant qu'ils n'avaient pas été directement malmenés.
Le ministère de la Justice avait publié dans la foulée une circulaire répertoriant les infractions susceptibles d'être retenues, suggérant notamment d'utiliser l'article 433-13 du code pénal. Il réprime d'un an de prison et 15.000 euros d'amende le fait de vouloir "créer dans l'esprit du public une confusion avec l'exercice d'une fonction publique".
Furieux de "la polémique politique et médiatique" déclenchée par cette affaire, M. Balland avait rétorqué qu'il y avait déjà pensé tout seul.
Mais il trouvait alors l'article difficile à appliquer, les migrants témoignant que les identitaires "ne se faisaient pas passer pour des policiers et des gendarmes" et assurant "avoir bien compris qu'ils n'en étaient pas".
Un an plus tard, le procureur poursuit quand même Génération identitaire de ce chef, au vu de l'accumulation d’éléments démontrant en définitive, selon lui, la volonté de créer une telle confusion.
- "Creusé les méninges" -
Outre le déploiement d'apparence militaire du 21 avril, il note le vocabulaire très ciblé utilisé par Génération identitaire dans ses communiqués : "travail d'enquête et de renseignement", "repérages", "surveillances" etc... -
L'avocat du mouvement, Pierre-Vincent Lambert, s'amuse de voir qu'on s'est tellement "creusé les méninges" pour trouver une infraction à reprocher à Génération identitaire, "sous pression du garde des Sceaux".
Il qualifie celle retenue de "grotesque et artificielle". Pour lui ses clients ont toujours fait comprendre clairement qu'ils menaient une simple "opération de communication".
Du côté des pro-migrants en revanche, on juge que Génération identitaire aurait pu être poursuivie pour violence, incitation à la haine raciale, mise en danger de la vie d'autrui, énumère Michel Rousseau, co-président de l'association "Tous Migrants" dans les Hautes-Alpes.
D'autant que sept de ces militants-là, pour avoir commis une infraction certainement plus facile à démontrer - aider des migrants à forcer un barrage dressé par les forces de l'ordre lors d'une manifestation en riposte à la campagne de Génération identitaire - ont été condamnés en décembre à Gap, dont deux à de la prison ferme.
M. Rousseau dit "ne pas comprendre un Etat qui fait preuve de laxisme avec des fascistes et de violence avec ceux qui aident leur prochain".
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