La mobilisation des "gilets jaunes" s'essouffle

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Par Alexandre HIELARD - Paris (AFP)
Publié le 15 décembre 2018 - 05:00
Mis à jour le 16 décembre 2018 - 04:58
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Une mobilisation en net recul, des échauffourées dans quelques villes mais pas de casse: le mouvement des "gilets jaunes" s'est essoufflé samedi en France, contrastant avec les violents heurts des semaines précédentes pour réclamer à Emmanuel Macron plus de pouvoir d'achat.

Ce cinquième samedi de manifestation avait valeur de test pour le président, vilipendé dans la rue depuis le 17 novembre. Il avait annoncé lundi des mesures pour mettre fin à cette fronde inédite, née sur les réseaux sociaux, contre sa politique fiscale et économique.

"Les ronds-points" du pays, occupés par des "gilets jaunes" jour et nuit, doivent désormais "être libérés et la sécurité de tous redevenir la règle", a tweeté le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner. "Le dialogue doit maintenant rassembler l'ensemble de ceux qui veulent transformer la France", a-t-il jugé.

Vers 19H00, l'Intérieur comptabilisait 66.000 manifestants dans toute la France, soit deux fois moins que les 126.000 recensés samedi dernier à la même heure. A Bordeaux et Toulouse, le nombre de manifestants était deux fois plus important qu'à Paris, avec 4.500 manifestants dans chacune des villes.

Le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand (LREM) a salué une baisse de mobilisation "nécessaire". "Il a été massivement répondu à leurs revendications" et "le temps du dialogue est venu", a-t-il jugé.

Mais le chef de l'État est de moins en moins apprécié de l'opinion. Sa cote de popularité est tombée à 23% de "satisfaits" (-2 points) et 4% de "très satisfaits" (stable), contre 76% de "mécontents" (+3 points), d'après un sondage Ifop pour Le Journal du dimanche.

Cette journée "est un peu un échec, mais c'est à cause de l'État qui nous empêche de manifester correctement", estimait Lucie, une aide ménagère de 35 ans venue de Melun à Paris. Laurent, un salarié dans l'informatique qui veut "faire évoluer la politique et la représentativité du citoyen", rejetait tout échec: "On est soutenu. Partout où on va il y a des klaxons".

Après des scènes de guérilla urbaine et de saccages qui avaient fait le tour du monde, la France avait de nouveau été placée sous haute sécurité, avec 69.000 membres des forces de l'ordre déployées, dont 8.000 à Paris, appuyés par des véhicules blindés à roues de la gendarmerie.

A Paris, les Champs-Elysées, épicentre des heurts lors des précédents samedis, avaient rouvert à la circulation en début de soirée. Dans l'après-midi, de petites échauffourées y ont opposé "gilets jaunes" aux forces de l'ordre, sans commune mesure avec le déferlement de violence des semaines passées.

Des échauffourées, avec gaz lacrymogène et jets de projectiles, ont eu lieu à Bordeaux et une trentaine de personnes ont été placées en garde à vue. Même scénario à Saint-Etienne, où 44 personnes ont été placées en garde à vue, ou encore Toulouse, Nantes, Besançon, Nancy ou Lyon.

Les manifestants étaient globalement moins nombreux à Rennes, Caen, Strasbourg...

- Pas de cadeaux pour Noël -

Autre chiffre révélateur: peu après 18H00, il y avait eu à Paris 168 interpellations dont 115 gardes à vue, et sept blessés légers, bien en-deçà des chiffres record de la semaine dernière. Le parquet de Paris a comptabilisé de son côté un total de 114 gardes à vue pour la journée, précisant que 47 d'entre elles étaient toujours en cours dans la soirée.

Les manifestants étaient nombreux à réclamer l'organisation d'un "RIC", un référendum d'initiative citoyenne, ou la démission d'Emmanuel Macron.

"On se battra tant qu'on n'aura pas gain de cause", a assuré Daisy, venue à Paris de l'Isère avec son compagnon. Le couple, qui se "serre la ceinture" pour ses "petits", ne s'offrira pas de cadeaux pour Noël: "C'est trop compliqué de se faire plaisir, on s'offrira des câlins".

Ailleurs dans la capitale, comme sur les places de la Bastille ou de la République, si des banques et magasins avaient recouvert leur façades de contreplaqué de crainte de dégradations et pillages, ils sont malgré tout restés ouverts. Toutes les stations de métro avaient rouvert avant 19H00.

Aux abords des grands magasins parisiens, les badauds se croisaient avec des sacs de courses, loin de l'impression d'état de siège les semaines précédentes.

Le président de la Confédération des commerçants de France a estimé samedi que le mouvement représentait "une véritable catastrophe" pour les petits commerces à l'approche de Noël, avec une baisse du chiffre d'affaires comprise entre "40% et 70% selon les corporations".

Les accès aux institutions avaient été protégés. Mais la Tour Eiffel et plusieurs musées fermés samedi dernier étaient restés ouverts.

- "Champions du clavier" -

"Quand on voit le +blablatage+ sur Facebook des champions du clavier et quand on voit concrètement combien de personnes il y a dans la rue, je vous le dis honnêtement, je n'ai qu'une envie, c'est de poser le gilet", résumait à Lyon Stella, employée de bureau de 44 ans.

Des accès routiers étaient encore perturbés samedi soir, notamment l'A20, l'A9 et l'A7 coupées par endroits mais l'A6 fermée samedi matin dans les deux sens entre la Saône-et-Loire et le Rhône a été rouverte dans la soirée.

Les annonces d'Emmanuel Macron lundi, dont la plus emblématique porte sur une hausse de 100 euros des revenus au niveau du Smic, visaient à répondre aux revendications immédiates des "gilets jaunes" réclamant moins de taxes et plus de pouvoir d'achat.

"Les annonces de Macron sont un premier recul, ça montre qu'on peut le faire reculer, il faut continuer tous les moyens de pression", estimait à Lille Jacques Caudron, un enseignant à la retraite âgé de 66 ans.

Ce ne "sont pas des réponses qui réduisent les inégalités sociales, et le fond de l'affaire c'est quand même ça : l'augmentation des inégalités et le fait qu'on fait payer aux pauvres les allègements d'impôt des plus riches", renchérissait Claire Bornais, enseignante.

A Paris, l'une des images de la journée restera ces cinq femmes grimées en Marianne faisant face aux gendarmes sur les Champs-Elysées, une performance de l'artiste luxembourgeoise Déborah de Robertis. Mais aussi le sit-in de près d'un millier de manifestants devant l'opéra de Paris, entre minutes de silence pour les victimes de l'attentat de Strasbourg et du mouvement des gilets jaunes et un appel "du peuple à (retrouver) la liberté et la souveraineté".

Christophe Castaner a établi samedi soir le bilan des décès à huit personnes depuis le début du mouvement. Selon une source proche du dossier, la passagère d'un conducteur alcoolisé remontant une voie de circulation bloquée par un barrage près de Soissons (Aisne) a trouvé la mort vendredi soir en percutant une voiture arrivant dans le bon sens.

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