Goncourt des lycéens : Alice Zeniter lauréate de la 30e édition
Cela s'est joué à une voix près. La romancière Alice Zeniter, avec son "écriture élégante et brutale" a remporté jeudi le 30e prix Goncourt des lycéens pour "L'art de perdre" (Flammarion), roman sur les non-dits de la guerre d'Algérie à travers la saga d'une famille de harkis.
Le roman a été élu au 3e tour de scrutin avec 7 voix, devant "Bakhita" (Albin Michel) de Véronique Olmi, par un jury composé de treize lycéens de 14 à 16 ans.
La nouvelle a été annoncée par téléphone à Alice Zeniter, depuis l'hôtel de ville de Rennes. La romancière de 31 ans, la voix tremblante, s'est dite "très heureuse et très émue".
"C'est très important pour moi que ce livre puisse toucher" les lycéens, a-t-elle réagi, car il aborde "des questions d'autant plus brûlantes" à leur âge: "se faire une place dans la société, dans la vie; qui on est, d'où on vient" ou encore "la liberté de devenir soi-même contre les déterminismes".
Le jury a dit avoir "été séduit par son écriture élégante et brutale à la fois, les émotions qui transportent les lecteurs ainsi que son ouverture sur l'histoire et le monde".
Cinquième roman d'Alice Zeniter, "L'art de perdre" a déjà été récompensé par le prix littéraire du journal Le Monde, le prix des libraires de Nancy et le prix Landerneau des lecteurs. Il est toujours en lice pour l'Interallié.
Paru le 16 août, au premier jour de la rentrée littéraire, l'ouvrage a été depuis unanimement salué par la critique. Il figure parmi les livres les mieux vendus de la rentrée.
Faisant fi de tous les préjugés colportés sur les harkis, ces Algériens restés du côté de la France pendant la guerre d'indépendance, Alice Zeniter, elle-même petite fille d'un harki, a choisi de raconter cette histoire à la seule hauteur d'êtres humains tragiquement ballotés par l'histoire.
Cela donne un récit saisissant dont le souffle et l'humanité ne s'épuisent jamais.
- "Elle fait chanter les mots" -
"C'est un chef d'oeuvre, qui écrasait vraiment tous les autres (...) une saga familiale, touchante, émouvante", a décrit Laure Humbert, 16 ans, en 1ère ES au Lycée Georges Clémenceau de Sartène (Corse).
"Dans ma famille, tout le monde s'est mis à le lire", a ajouté la lycéenne qui a une grand-mère d'origine algérienne.
Léa Rouault, 16 ans, en 1ère L au lycée Léonard de Vinci de Montaigu (Vendée), avait elle voté pour "Bakhita", mais a apprécié le style "assez incroyable", "poétique et fluide" de la lauréate.
"Elle fait chanter les mots", a-t-elle souligné. "On a bien aimé son côté engagé. Elle ose dénoncer les problèmes qu'il y a eu des deux côtés, que ce soit la France comme l'Algérie.".
La romancière a aussi séduit le jury par sa disponibilité tout au long des délibérations du Goncourt des lycéens, organisé conjointement par la Fnac et le ministère de l'Education nationale dans 56 lycées.
"Elle a tout le temps été présente, elle a toujours voulu répondre aux questions lors des rencontres régionales. Et elle a été excellente et superbe", a dit le benjamin du jury, Lucas Kolpes, 14 ans, en seconde au lycée Chateaubriand de Rome.
"On n'apprend pas forcément tout ce qui est dans le livre à l'école ou au collège. Mais c'est un pan de l'histoire qui restera à jamais gravé dans les esprits", a-t-il ajouté.
Le Goncourt des lycéens est l'un des prix littéraires les plus convoités avec plus de 443.000 exemplaires vendus en moyenne (sur la période 2012/2016), selon le cabinet GfK. Ce prix devance le prix Goncourt (environ 400.000 exemplaires vendus en moyenne), le Grand prix du roman de l'Académie française (247.000), le Renaudot (221.000), le Femina (83.000), l'Interallié (65.000) et le Médicis (41.000).
En 2016, le Goncourt des lycéens avait été attribué au Franco-Rwandais Gaël Faye pour "Petit Pays" (Grasset), roman inspiré de son enfance au Burundi, déjà lauréat du prix du roman Fnac.
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