Harcèlement sexuel : en politique aussi, la parole se libère
Dans la foulée de l'appel viral #balancetonporc visant à dénoncer harcèlement et agressions sexuelles, la parole se libère aussi un peu plus encore dans un monde politique aussi rude que masculin, et encore marqué par une certaine omerta.
Ces dernières années, la liste est longue d'actes sexistes jusqu'à des révélations d'agressions sexuelles dans le monde politique, de Cécile Duflot, sifflée en robe fleurie au Palais Bourbon, au caquetage de poule d'un député UMP pendant l'intervention d'une collègue écologiste, jusqu'à la retentissante affaire DSK.
Des mesures ont été prises, notamment à l'Assemblée nationale ; des initiatives ont été aussi tentées, du site internet de témoignages aux tribunes d'ex-ministres ou de journalistes pour dire "stop".
Des enquêtes ont été ouvertes, surtout. Celle visant l'ex-vice président EELV de l'Assemblée Denis Baupin, accusé par plusieurs élues de harcèlement et d'agression sexuelle, a été classée sans suite à cause de la prescription de trois ans, malgré des accusations "corroborées", selon le parquet. L'ex-ministre LR Georges Tron comparaît lui en décembre aux Assises pour viols et agressions sexuelles en réunion.
Au-delà des tweets #balancetonporc ont fleuri des accusations plus spécifiques au monde politique, ayant souvent pour objet les relations entre collaborateur et élu d'un même parti, ou les relations malsaines au sein des cabinets ministériels.
A gauche de la gauche, déjà: une ex-militante a accusé sur Twitter "un mec à la tête d'un parti connu" d'"avances plus ou moins creepy (ndlr: glauques) à plein de nanas".
- "Grand silence" -
A l'extrême droite, aussi: un ex-assistant parlementaire FN a accusé sur Twitter un député du même parti d'avoir mis des "mains aux fesses". Quatre autres ex-frontistes ont assuré à l'AFP en avoir aussi été victimes, dans un parti où bruissent des rumeurs parfois matinées d'homophobie, sur fond de rivalités politiques.
Une militante PCF, ancienne attachée parlementaire, a elle désigné nommément sur Twitter l'ancien candidat à la présidentielle Jean Lassalle, l'accusant de lui avoir "mis une main aux fesses (...) lorsqu'elle avait 25 ans". Ce que l'intéressé a démenti catégoriquement dans le journal Sud Ouest, affirmant "ne pas connaître cette dame".
En toile de fond, souvent, le silence des entourages, politiques ou médiatiques, régulièrement pointé du doigt dans les affaires DSK ou Baupin. Mardi, des députés de tous bords ont soutenu l'idée de franchir une étape supplémentaire contre le harcèlement sexuel.
Le gouvernement prépare pour 2018 un projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles. L'aspect le plus débattu est une verbalisation du harcèlement de rue, zone grise que le législateur devra définir.
Manuel Valls, Valérie Pécresse, Xavier Bertrand et de nombreuses autres personnalités appellent de leur côté dans une pétition initiée par l'ex-secrétaire d'Etat PS Juliette Méadel à mieux "protéger" la parole des victimes de harcèlement sexuel, qui trop souvent "s'autocensurent".
L'unanimité de façade de la classe politique n'est pourtant pas si évidente en coulisse: en 2016, lorsque Delphine Batho a demandé des excuses à Michel Sapin, ex-ministre des Finances alors accusé d'avoir eu un "geste inapproprié" envers une journaliste, il y avait eu "un grand silence" au groupe PS, regrette une participante. M. Sapin avait finalement reconnu des "paroles et un geste inappropriés".
Cette semaine, la militante féministe Caroline de Haas a fustigé le "silence" de La France insoumise ou du PS sur le sujet, là où EELV, le NPA ou le mouvement de Benoît Hamon ont réagi. Jeudi, le Parti de gauche, qui appartient à LFI, a finalement réagi, regrettant un "coup de com' facile du gouvernement" qui "réduit" les droits des femmes avec notamment la réforme du droit du travail.
Côté FN, pas de communiqués, ni à LR, sauf de la part de Florence Portelli, candidate à la présidence du parti, qui a proposé de "judiciariser la démarche initiée par les femmes via #balancetonporc" afin d'"encourager les victimes de harcèlement sexuel à témoigner en toute confidentialité".
Dans la majorité, ce sont les propos de Bruno Le Maire qui ont été remarqués: le ministre de l'Economie a promis d'être "le premier à signaler" d'éventuels faits de harcèlement. Une forme de contrition: quelques heures plus tôt, il avait dit qu'il ne dénoncerait pas de responsable politique s'il avait connaissance de tels faits.
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.