Héritage de Johnny Hallyday : le précédent Jarre

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Par Rana MOUSSAOUI, Paul RICARD - Paris (AFP)
Publié le 12 février 2018 - 18:50
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Le musicien Jean-Michel Jarre le 15 juillet 2017 lors d'un concert à Carhaix-Plouguer
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Jean-Michel Jarre à Carhaix-Plouguer, lors du festival des "Vieilles Charrues", le 16 juillet 2017
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Des enfants peuvent-ils être déshérités en vertu de la loi californienne, comme s'en plaignent Laura Smet et David Hallyday? Oui, a récemment répondu la Cour de cassation dans deux affaires distinctes, en déboutant notamment Jean-Michel Jarre.

La plus haute juridiction française a tranché ces conflits le 27 septembre dernier. Ironie du sort, comme pour Johnny Hallyday, ils concernaient l'héritage de deux grands musiciens français: Maurice Jarre, oscarisé pour les musiques des films "Lawrence d'Arabie" et "Docteur Jivago", et Michel Colombier, arrangeur culte de Serge Gainsbourg ou Madonna.

Tous deux vivaient et sont morts en Californie. Ils ont organisé leur succession selon le droit de cet Etat américain.

Décédé en 2009, Maurice Jarre a légué tous ses biens à sa dernière épouse via un "family trust", structure juridique prévue par le droit californien. Cette décision a été contestée par deux enfants d'un premier lit, la star de la musique électronique Jean-Michel Jarre et sa soeur Stéphanie.

Idem pour Michel Colombier, mort en 2004: via un "family trust", son héritage revient à sa dernière femme puis, au décès de celle-ci, aux deux filles qu'ils ont eues ensemble. Quatre enfants issus d'unions antérieures ont attaqué en justice.

Laura Smet a annoncé lundi son intention de contester le testament de son père Johnny Hallyday, aux côtés de son demi-frère David. Motif: l'ensemble du patrimoine et des droits d'artiste du rocker "serait exclusivement transmis à sa seule épouse Laeticia par l'effet de la loi californienne", selon un communiqué des avocats de l'actrice.

En droit français, on ne peut théoriquement pas déshériter un de ses enfants, en vertu du principe de "réserve héréditaire". Ce principe n'existe pas dans le droit californien.

"Nous sommes pratiquement les seuls parmi les pays développés" à l'appliquer, explique à l'AFP Me Jacques Kaplan, du cabinet parisien Avocats Picovschi.

Dans les deux cas jugés fin septembre, la Cour de cassation a toutefois estimé que le fait d'ignorer la réserve héréditaire n'était "pas en soi contraire à l'ordre public international français". En clair, ce n'est pas un principe forcément incontournable.

- 'Précarité économique' -

Dans ces deux affaires, la Cour a jugé que la loi française n'avait pas à s'imposer à la loi californienne, pour deux raisons.

D'abord, Jarre et Colombier avaient construit leur vie en Californie depuis longtemps.

"Le dernier domicile du défunt est situé dans l'Etat de Californie (et) ses unions, à compter de 1965, ont été contractées aux Etats-Unis, où son installation était ancienne et durable", écrit la Cour au sujet de Maurice Jarre.

Colombier, lui, "résidait depuis presque trente ans en Californie, où sont nés ses trois derniers enfants, et tout son patrimoine immobilier et une grande partie de son patrimoine mobilier sont situés aux Etats-Unis".

En outre, dans les deux cas, les enfants qui réclamaient leur part de l'héritage n'étaient pas "dans une situation de précarité économique ou de besoin".

Dans la bataille judiciaire qui s'annonce autour de l'héritage de Johnny Hallyday, l'un des enjeux sera sans doute de déterminer si son installation en Californie était "ancienne et durable".

"La jurisprudence Jarre ne s'appliquera pas", veut croire l'un des avocats de Laura Smet, Me Pierre-Olivier Sur. "Maurice Jarre avait quitté la France bien avant sa mort et était allé résider aux Etats Unis, en rompant tous les liens avec la France".

Dans le cas de Johnny, "il y a une résidence en France, il a chanté en France jusqu'à son dernier souffle, il est mort en France, avec des funérailles nationales présidées par le président Macron", dit-il à l'AFP.

Des affirmations que nuance Me Kaplan: même si le domicile est en France, "le juge ne va pas nécessairement décider d'appliquer la loi française".

Johnny Hallyday s'était installé dans le courant des années 2000 à Los Angeles, avec sa dernière épouse Laeticia et leurs filles Jade et Joy. Il était revenu en France suivre son traitement médical, avant de succomber le 6 décembre à son domicile de Marnes-la-Coquette, près de Paris.

Une réaction de Laeticia Hallyday était attendue dans la journée, selon son avocat joint par l'AFP.

"C'est parti pour une bataille judiciaire d'au moins de 10 ans", pronostique Me Kaplan.

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