La parole se libère, à visage découvert, sur des abus dans la vie religieuse

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Par AFP
Publié le 11 octobre 2017 - 20:05
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La parole se libère sur des dérives subies, et longtemps enfouies, dans certaines communautés cathol
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© MARIJAN MURAT / DPA/AFP/Archives
La parole se libère sur des dérives subies, et longtemps enfouies, dans certaines communautés catholiques
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"J'ai bel et bien passé onze ans dans une secte": une ancienne religieuse s'exprime sans recourir à l'anonymat dans un livre paru mercredi, signe d'une parole qui se libère sur des dérives subies, et longtemps enfouies, dans certaines communautés catholiques.

"Le Silence de la Vierge" (Bayard) est le témoignage d'une femme "victime d'un crime que ni le droit pénal ni le droit de l'Eglise catholique ne reconnaissent: l'abus spirituel", "variante religieuse", souligne l'auteure, de "l'emprise affective et psychologique".

Marie-Laure Janssens a quitté en 2010 la communauté des soeurs contemplatives de Saint-Jean et leur vie de prière. Aujourd'hui, fait exceptionnel, cette femme de 42 ans a décidé de parler sous son nom. Et même de poser à visage découvert dans l'hebdomadaire catholique Pèlerin dont un journaliste, Mikael Corre, a mis en forme son récit.

Les dérives passées au sein de la "famille Saint-Jean", qui compte des frères et des soeurs contemplatives ou apostoliques - engagées "dans le monde" -, sont connues. Son fondateur, le père Marie-Dominique Philippe, décédé en 2006, théoricien de "l'amour d'amitié", a été accusé jusqu'à Rome de "déviances dans sa vie affective et sexuelle". Plusieurs frères de Saint-Jean - surnommés les "petits gris" en raison de la couleur de leur habit - ont été jugés pour abus sexuels.

En 2009, les quatre principales responsables des soeurs contemplatives ont été destituées. En cause: un gouvernement de la communauté jugé problématique, et des soupçons d'abus spirituels, qui surviennent quand la direction de conscience et l'autorité hiérarchique sont assumées par un même responsable. Au prix d'une obéissance aveugle, d'intrusions permanentes dans la vie de personnes fragilisées.

- "Tout commence" -

"Les conséquences psychologiques de l'abus spirituel sont comparables à celles de l'abus sexuel, car il y a un viol de l'intimité", dit Aymeri Suarez-Pazos, président de l'association Avref (Aide aux victimes de mouvements religieux), qui a consacré un "livre noir" à la communauté Saint-Jean.

"Rome a reconnu en 2016 le travail entrepris pour corriger ce qui devait l'être et nous a invité à poursuivre dans cette voie", indique à l'AFP une source proche de la communauté, qui n'élude pas "les dysfonctionnements profonds" et l'"emprise manipulatoire" ayant existé chez les soeurs.

Pourtant, Marie-Laure Janssens n'a pas été entendue quand elle a voulu raconter son histoire dès 2013 et s'est ouvert de son projet à Mgr Henri Brincard, alors délégué du pape auprès de la communauté.

"Le silence de l'Eglise est à sa manière un acte de miséricorde à l'égard des personnes", lui a répondu l'évêque, décédé depuis. Une invitation au mutisme qui l'a justement convaincue de prendre la plume.

"Ce livre est important car il tend à briser la loi du silence", indique à l'AFP Serge Blisko, président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Cette instance gouvernementale n'a pas vocation à se substituer à l'Eglise dans le règlement de ses affaires internes, souligne l'ancien député. "Notre rôle c'est d'aider les victimes", rappelle-t-il, citant les dossiers instruits ces dernières années, des Béatitudes aux Travailleuses missionnaires.

La Conférence des évêques de France (CEF) s'est saisie du sujet depuis plusieurs années. Son président, Mgr Georges Pontier, avait dénoncé en 2013 un "silence" face "au danger de certains groupes". Des communautés souvent jeunes, reposant sur l'aura d'un fondateur charismatique et ayant connu une forte croissance.

La CEF abrite une "cellule pour les dérives sectaires dans des communautés catholiques". Mais "c'est une cellule isolée, sans moyen d'agir si ce n'est de prévenir tel ou tel évêque qui en fait ce qu'il veut", accuse le président de l'Avref, qui attend "une parole claire du Vatican".

"Des évêques sont réticents parce qu'ils estiment que tout a été dit. Nous, nous estimons que tout commence", fait valoir Laurence Poujade, présidente d'une association Sentinelle, en soutien aux victimes d'emprise communautaire. Une emprise dont cette ancienne "soeur Félicité" chez les religieuses apostoliques de Saint-Jean a elle-même fait le récit en 2014, à compte d'auteur, sous couvert d'anonymat et sous ce titre: "Félicité, la vérité vous rendra libre".

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