L'affaire Seznec : une des grandes énigmes judiciaires du XXe siècle

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Par Béatrice COLAS - Paris (AFP)
Publié le 25 février 2018 - 14:04
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A droite, photo non datée du conseiller général Pierre Quemeneur. A gauche, photo datée des années 20, de Guillaume Seznec, condamné pour le meurtre de Quemeneur, qu'il a toujours nié
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A droite, photo non datée du conseiller général Pierre Quemeneur. A gauche, photo datée des années 20, de Guillaume Seznec, condamné pour le meurtre de Quemeneur, qu'il a toujours
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Le vendredi 25 mai 1923, le destin de Guillaume Seznec bascule. C'est le début d'une "affaire" criminelle qui a passionné la France et reste l'une des plus grandes énigmes judiciaires du XXe siècle.

Ce mystère vieux de près d'un siècle a rebondi samedi avec l'exhumation d'un os humain et d'un morceau de pipe lors de fouilles "privées" dans l'ancienne maison de la famille Seznec à Morlaix (Finistère), lieu possible de la mort et de l'ensevelissement du corps jamais retrouvé de Pierre Quémeneur.

La police et la justice ont repris dimanche le contrôle du chantier et la police scientifique a été dépêchée sur les lieux.

Condamné aux travaux forcés à perpétuité en 1924 pour un meurtre qu'il a toujours nié, Guillaume Seznec passera vingt ans au bagne de Guyane avant d'être gracié en 1946.

- Profil du coupable -

Négociant en bois à Morlaix, Seznec quitte Rennes le 25 mai 1923, avec son ami Pierre Quémeneur, conseiller général du Finistère, pour négocier à Paris la vente de voitures, provenant de stocks américains après l'armistice de 1918. C'est l'époque des grands trafics de l'après-guerre.

Mais la vieille Cadillac au volant de laquelle ils partent de Rennes, tombe en panne à de multiples reprises. Trois jours plus tard, Seznec revient seul à Morlaix, affirmant avoir quitté près de Paris Quémeneur qui préférait terminer le voyage en train.

Quémeneur ne donne plus signe de vie, hormis dans un télégramme envoyé du Havre, indiquant qu'il ne rentrera que "dans quelques jours". Mais une expertise impute ce télégramme à Seznec qui affirme n'avoir jamais mis les pieds au Havre.

La découverte en gare du Havre de la valise de Quémeneur est également considérée comme une preuve accablante contre Seznec: elle renferme une promesse de vente d'un domaine dans les Côtes-du-Nord consentie par Quémeneur à bas prix. La police retrouve dans la scierie de Seznec une machine à écrire, qui aurait servi à taper le document.

L'inspecteur Pierre Bonny mène l'enquête. Les graphologues sont formels: le télégramme et la promesse de vente sont des faux rédigés par le suspect. Pour les partisans de Seznec, c'est un complot de la police.

Dès le début, l'affaire a passionné l'opinion. Le procès se déroule dans une salle archi-comble. L'accusé qui a tenté d'acheter des témoignages clame son innocence, mais empêtré dans ses contradictions, il a le profil du coupable.

Le 4 novembre 1924, Seznec est condamné, à une seule voix de majorité, aux travaux forcés à perpétuité, pour assassinat, malgré l'absence de cadavre et d'arme du crime, et pour faux en écriture.

- Gracié mais pas réhabilité -

Le 7 avril 1927, pour le "matricule 49.302" c'est le départ pour la Guyane à bord de "La Martinière" où s'entassent 400 forçats: le bagne de Saint-Laurent-du-Maroni tout d'abord puis les cachots de l'île Royale, l'une des îles du Salut.

Seznec survit aux périls qui déciment les effectifs du bagne: fièvres, rigueurs de la "haute surveillance", désespoir aussi. Il apprend le décès de sa fille aînée, Louise, puis de sa femme Marie-Jeanne. "La mort n'est rien pour qui ne peut rien espérer", écrit-il du bagne. En 1933, il refuse de signer une demande de grâce affirmant qu'"il n'y a que les coupables qui demandent pardon".

Guillaume Seznec est gracié par le général de Gaulle en 1946 pour bonne conduite. C'est un homme usé, marqué par les épreuves qui rentre en métropole le 1er juillet 1947. Il a 69 ans.

Renversé à Paris en novembre 1953 par une camionnette qui prend la fuite, Guillaume Seznec meurt trois mois plus tard.

L'ancien bagnard n'a cessé de clamer son innocence et plaider pour sa réhabilitation, combat commencé dès les années 1930 et incarné depuis plusieurs décennies par son petit fils Denis. Dès 1934, plusieurs jurés, regrettant leur verdict, ont demandé la révision du procès.

La personnalité de l'inspecteur Bonny, fortement soupçonné d'avoir fait introduire chez Seznec la machine à écrire, et ses regrets d'avoir "fait envoyer au bagne un innocent" exprimés peu avant son exécution pour activités dans la Gestapo, ont jeté un doute sur l'enquête de 1923.

Devant la détermination de la famille Seznec, des magistrats, responsables politiques et journalistes se sont efforcés d'obtenir sa réhabilitation.

Mais depuis 1924, les quatorze demandes en révision du procès ont été rejetées, la dernière en 2006.

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