Les "black blocs", une contestation violente qui vise surtout les "symboles"
Les "black blocs" qui ont fortement perturbé le défilé du 1er mai sont un alliage hétéroclite de militants d'ultragauche aux actions parfois spectaculaires, mais à la force de frappe limitée et qui se concentre sur des cibles symboliques, explique à l'AFP Sylvain Boulouque, historien de la gauche radicale.
Question: Qui sont ces "Black blocs"?
Réponse: Ce sont des gens vêtus de noirs et cagoulés qui viennent se placer devant la tête du cortège des manifestations, d'où leur autre nom de "Cortège de tête". Les premiers "black blocs" datent des années 1980 en Allemagne. Ils sont apparus dans d'autres pays comme la France à la fin des années 1990 au moment des grandes manifestations contre les sommets internationaux (OMC, G7, G20). C'est un mouvement international: certains vont affronter la police dans des manifestations à l'étranger. S'y s'agrègent différents groupes favorables à l'affrontement avec les forces de l'ordre issus de l'anarchisme, du marxisme-léninisme... qui espèrent pouvoir renverser le système capitaliste. Socialement, ce sont plutôt des populations de centre-villes, jeunes diplômés et issus de famille des classes moyennes/classes moyennes supérieures. Pas forcément financièrement favorisées, mais culturellement favorisées. Plusieurs générations s'y côtoient: des anciens mobilisés depuis les années 90, des intermédiaires depuis les années 2000, une nouvelle génération de 20-25 ans formée autour de la contestations de la loi travail en 2016, et les nouveaux étudiants ou lycéens qui viennent d'arriver.
Question: Où se classent-ils politiquement?
Réponse: Dans la mouvance de l'ultra gauche, qui refuse toute forme de représentation parlementaire et syndicale. Sur l'air du "Ras-le-bol de la société injuste telle qu'elle existe aujourd'hui", ils ne s'attaquent qu'à des symboles du capitalisme, comme on l'a vu hier à Paris: McDonald's, les concessions de voitures, les banques. On est purement dans la violence symbolique. Ils veulent ainsi montrer les bons combat, sachant qu'ils refusent toute réformes, qui n'aboutissent selon eux qu'à aménager le capitalisme sans le détruire. Ils sont anticapitalistes, utopistes et radicaux, prêts à utiliser des moyens d'action relativement violents contre la société et l'ordre en place. Mais il y a aussi une dimension camaraderie, fraternité, un coté suiviste. Certains ont suivi la tête de cortège car ils y ont entendu hurler "Tout le monde déteste la police": ils ne sont pas nécessairement violents mais peuvent eux aussi détester la police.
Question: Quelle est l'ampleur du phénomène, et est-il appelé à s'étendre?
Réponse: En comptant très large on a un spectre d'une petite dizaine de milliers de personnes, c'est très peu par rapport au reste de la société. L'audience de la gauche radicale aujourd'hui est relativement faible. Il ne faut pas grossir le phénomène de violence urbaine, car il est marginal en France. Depuis une centaine d'années, les manifestations violentes y sont un phénomène tout à fait relatif. Mais avec l'information en continue, ces actes sont repris en boucle et sans regard distancié, ça donne "Paris est à feu et à sang" alors qu'il y a que quelques voitures qui brûlent. A priori le phénomène des "black blocs" ne va pas s'arrêter. Il va y avoir des hauts, des bas, des pics, des reformations. Ça dépend des projets de loi gouvernementaux. Mais il a un potentiel de croissance, notamment si le gouvernement ne veut rien négocier. Certains peuvent alors se dire que s'il n'y a rien à gagner, il faut se tourner vers d'autres formes d'action politique, et la violence en est une. Il y a aussi un potentiel de révolte contre la violence policière, plus forte qu'avant, qui peut favoriser un jour le rapprochement avec des jeunes de banlieue. Autre risque, si certains sont condamnés à de la prison, ils peuvent y développer une haine des autorités encore plus forte. Mais s'il y a des risques, il n'y a jusqu’ici aucun appel à une violence plus radicale: on est encore dans un aspect quasiment carnavalesque, on s'en prend à des symboles.
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