Relaxe générale au procès de l'arbitrage Tapie
Le tribunal correctionnel de Paris a relaxé mardi Bernard Tapie, le PDG d'Orange Stéphane Richard et quatre autres prévenus, jugés au printemps dans l'affaire de l'arbitrage controversé qui avait octroyé 403 millions d'euros à l'homme d'affaires en 2008.
Absent au délibéré alors qu'il subit une récidive de son double cancer, M. Tapie a réagi auprès de son journal La Provence : "Mon cancer vient d'en prendre un sale coup dans la gueule !".
"C'est bien la preuve qu'il faut toujours, toujours, se battre jusqu'au bout", a déclaré l'ex-ministre de 76 ans, contre lequel cinq ans de prison ferme avaient été requis le 1er avril pour "escroquerie" et "détournement de fonds publics".
Il a toujours nié avoir "volé le contribuable". L'arbitrage, qui lui avait accordé 45 millions d'euros au seul titre de son préjudice moral pour réparer la "faute" du Crédit Lyonnais lors de la revente de l'équipementier sportif Adidas, a été annulé définitivement au civil en 2015 pour "fraude".
Mais pour le tribunal correctionnel, "aucun élément du dossier ne permet d'affirmer" que cet arbitrage ait fait l'objet de "manoeuvres frauduleuses" ou d'une quelconque "fraude".
Les juges n'ont pas retenu le "détournement de fonds publics" ou la complicité de ce délit reprochés aux prévenus, et estimé que l'escroquerie n'était pas caractérisée, prononçant ainsi une relaxe générale.
Hervé Temime, l'un des avocats de l'ex-patron de l'Olympique de Marseille, a salué "un jugement d'une netteté exceptionnelle", rendu "avec une indépendance rare". "Pour moi, il n'y a aucune cohérence entre (les) décisions civiles et la décision du tribunal", a-t-il ajouté.
Le parquet de Paris a la possibilité de faire appel. Il avait demandé des peines d'emprisonnement contre cinq des six prévenus.
Trois ans de prison, dont 18 mois ferme, avaient été ainsi requis contre le patron d'Orange, poursuivi pour "complicité" en tant qu'ancien directeur de cabinet de l'ex-ministre de l'Economie Christine Lagarde, condamnée elle fin 2016 pour "négligence" par la Cour de justice de la République.
"C'est un immense soulagement de voir mon innocence totalement reconnue par ce tribunal", a réagi M. Richard, qui aurait vu son avenir à la tête d'Orange compromis en cas de condamnation.
Des cadres CFE-CGC et des actionnaires salariés d'Orange se sont également dits dans un communiqué "soulagés de garder Stéphane Richard comme PDG".
- "Histoire absolument insensée" -
Pour le parquet, Bernard Tapie avait "truqué" l'arbitrage, dont il était le "principal bénéficiaire".
En activant d'abord ses soutiens à l'Elysée pour que le pouvoir sarkozyste choisisse la voie arbitrale au lieu de la justice ordinaire.
Puis en s'assurant de la "partialité" d'un des juges arbitres, qui entretenait des "liens anciens et réguliers" avec son avocat historique Maurice Lantourne. "A la solde" du duo, le haut magistrat Pierre Estoup, principal rédacteur de la sentence, avait "abusé" ses deux co-arbitres, avaient estimé les représentants du parquet.
"Il est acquis que Bernard Tapie a fait preuve publiquement d'un activisme très important auprès de différentes personnalités publiques pour plaider sa cause", a relevé le tribunal correctionnel.
"Cependant, il n'est pas rapporté la preuve (qu'il) ait demandé directement ou activé ses réseaux pour que des instructions soient données en sa faveur", ni que son ex-avocat se soit concerté avec le haut magistrat Pierre Estoup, a jugé le tribunal.
Le ministère public avait requis trois ans d'emprisonnement ferme contre Pierre Estoup et trois ans avec sursis contre Me Lantourne.
Une peine de trois ans d'emprisonnement dont 18 mois ferme avait été demandée contre Jean-François Rocchi, ancien dirigeant du Consortium de réalisation (CDR), chargé de gérer le passif du Crédit Lyonnais. Le parquet avait demandé la relaxe d'un autre fonctionnaire, Bernard Scemama.
Parties civiles à ce procès pénal, l'Etat et le CDR ont été déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts.
Ce jugement ne marque toutefois pas l'épilogue du titanesque et feuilletonnesque contentieux opposant Bernard Tapie à l'ex-banque publique et au CDR depuis près de vingt-cinq ans.
Dans un communiqué, le CDR s'est dit "déterminé à recouvrer les sommes indûment perçues par Bernard Tapie" après l'annulation de l'arbitrage au civil et malgré cette relaxe pénale.
Les modalités de remboursement de Bernard Tapie - en faillite personnelle depuis décembre 1994 - sont toujours débattues devant le tribunal de commerce.
"Même si le match est très long, le match n'est pas fini tant que la balle de match n'a pas rebondi deux fois et là on n'est pas encore à la fin de cette histoire absolument insensée", a commenté Me Hervé Temime.
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