L'immobilier s'essaie au financement participatif
Le financement participatif immobilier se développe, porté par des taux d'intérêt alléchants pour les investisseurs et par les fonds qu'il offre aux promoteurs, mais le marché reste embryonnaire.
Quand on s'intéresse au financement participatif immobilier, mieux vaut être rapide. "Entre la mise en ligne et le moment où la cagnotte est collectée, il ne se passe qu'une à deux heures parfois", explique Louis Raverot, directeur régional immobilier de Wiseed, plateforme leader du secteur.
Mais il tempère: "Tous les documents pour comprendre le projet sont disponibles au moins deux jours avant, et nous répondons à toutes les questions sur un forum dédié dans l'intervalle."
Loin du financement participatif pour des petites initiatives, des entreprises ou des associations, dont les collectes dépassent rarement une dizaine de milliers d'euros, les projets immobiliers ont récolté en moyenne 540.000 euros sous forme de prêts en 2018, selon le baromètre du crowdfunding immobilier de Hellocrowdfunding. Avec un taux d’intérêt moyen de 9% en deux ans pour les investisseurs.
Ceux-ci doivent investir un montant minimum de quelques centaines d'euros, qui dépend des règles des plateformes.
Les premières opérations ont eu lieu en 2014, c'est aujourd'hui le principal secteur de la finance participative, avec plus de 200 millions d'euros en 2018 selon le baromètre de Financement participatif France. Une paille dans les 29 milliards investis dans l'immobilier français en 2019, selon le cabinet Knight Frank.
La plupart des offres proposées financent directement un projet de construction. Mais les offres dites "corporate", où l'argent revient à une entreprise, se développent.
"C'est un peu dommage, car la transaction est moins transparente, on ne sait pas précisément où vont les fonds", pointe Céline Mahinc, conseillère en gestion de patrimoine. Pourquoi les promoteurs sont-ils prêts à consentir à des taux d'intérêt si élevés ? "Sans le crowdfunding, j'aurais divisé mes activités par trois", assure Laurent Mathiolon, dirigeant d'Aqprim, qui a déjà eu recours deux fois à du financement participatif, et l'envisage une troisième fois.
- Gérer le risque -
"Ça me permet d'obtenir des fonds propres pour financer ensuite mes projets auprès des banques. En plus, c'est assez rapide, quelques semaines après l'audit et la validation par la plateforme."
Beaucoup de projets sont proposés aux plateformes, qui effectuent une sélection stricte. "On prend moins de 5% des propositions qui nous parviennent" clame Vincent Sillègue, président de Koregraf, créé en 2014 et qui a lancé 42 programmes immobiliers.
Sa plateforme revendique son lien avec les banques, notamment dans "l'accompagnement des projets", preuve de la synergie entre les deux secteurs.
"La méconnaissance de cette méthode de financement et le fait de diffuser pas mal de données dans les documents de présentation des projets peuvent aussi rebuter quelques promoteurs", analyse toutefois Laurent Altmayer, le fondateur de hellocrowdfunding et qui suit attentivement le marché.
L'objectif de la sélection est d'éviter de reproduire le séisme de la faillite du promoteur Terlat en 2017, qui a abouti pour un des projets à la perte totale des fonds. C'est le seul cas de non-remboursement en France.
Plus fréquents, les retards concernent presque 10% des projets, selon le baromètre du crowdfunding.
"Quand il y a du retard, la communication est plus lente, même pour les personnes qui ont investi. Les plateformes font le moins de bruit possible", remarque Laurent Altmayer.
"Le taux du livret A est de 0,75%, alors forcément, un taux à 9% signifie qu'il y a du risque", ajoute Céline Mahinc. "Mais pour ce taux, il ne me semble pas démesuré."
"Il faut prendre son temps. Être sûr de bien comprendre les offres avant de s'engager, vérifier que les plateformes sont bien agréées. Et évidemment diversifier ses investissements", conseille-t-elle.
D'autant plus que le marché reste jeune. Les premiers appels à projet ont commencé en 2014 et les premiers remboursements en 2016. "On ne peut commencer à faire des vraies analyses que maintenant", estime Laurent Altmayer.
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