Loto du patrimoine : la villa Viardot à Bougival, coeur du futur Centre européen de musique
Aujourd'hui presque oubliée, Pauline Viardot fut l'une des plus grandes musiciennes du XIXe siècle. Le Loto du patrimoine -dont le tirage a lieu vendredi- doit aider à restaurer sa maison à Bougival (Yvelines), épicentre d'un projet de complexe européen dédié à la musique romantique qui devrait voir le jour d'ici à 2022.
Adossée à la colline des Impressionnistes qui domine la Seine, à quelques kilomètres à l'ouest de Paris, la villa à deux étages de style néo-palladien est aujourd'hui en piteux état: façades délabrées, toiture et fondations à refaire, corniche prête à s'effondrer, énumère le baryton Jorge Chaminé, initiateur de ce Centre européen de musique (CEM). Quand il a visité la maison pour la première fois il y a 18 ans, "les larmes ont coulé", se souvient-il.
Construite en 1830 pour un célèbre parfumeur de l'époque, la villa blanche entourée d'arbres séculaires a été acquise en 1874 par Ivan Tourgueniev, grand amour -resté platonique- de Pauline Viardot. La cantatrice d'origine espagnole y vécut avec sa famille pendant neuf ans. Quelques mètres plus haut, l'écrivain russe avait fait construire sa datcha, qui doit également faire partie du projet de CEM.
Leur installation à Bougival ne doit rien au hasard: la petite ville fluviale qui a tant inspiré les impressionnistes était à cette époque le "lieu de villégiature de la Nouvelle Athènes", l'élite du mouvement romantique parisien installée dans le IXe arrondissement, rappelle Jorge Chaminé.
Compositrice, pianiste, pédagogue, dessinatrice, polyglotte également cantatrice, Pauline Viardot y tient salon, à l'heure du thé. La musique règne alors en maître. Elle a été l'"un des plus grands mentors de l'histoire de la musique du XIXe siècle", souligne M. Chaminé.
- "L'Europe est née là" -
Sous les fresques néo-pompéiennes du rez-de-chaussée -qui doivent à la maison son inscription au titre des Monuments historiques-, résonnent alors les airs de "Dom Juan" ou des "Noces de Figaro" chantés par les invités.
Parmi eux, Charles Gounod, Camille Saint-Saëns, Gabriel Fauré, Gustave Flaubert, les Dumas, Charles Dickens, Henry James... Mais aussi des têtes couronnées et le révolutionnaire Bakounine. Georges Bizet, qui possède une maison en contrebas en bord de Seine, fait également partie des habitués.
"Nous sommes ici dans un esprit profondément européen" et ceux qui portent le projet du CEM souhaitent "continuer de suivre (cet) exemple", avec la musique comme "langage universel", explique Jorge Chaminé.
"L'Europe est née là, bien avant la création de l'Europe institutionnelle", renchérit Sneska Quaedvlieg–Mihailovic, secrétaire générale d'Europa Nostra, association européenne de lobbying culturel, présidée par Placido Domingo, qui a accordé son parrainage au projet. "C'est ce qui fait toute la symbolique du lieu", selon elle.
- Projet à 15 millions d'euros -
D'ici à 2022, un complexe consacré à la musique romantique européenne devrait donc voir le jour à Bougival autour des maisons Viardot et Bizet et la datcha Tourgueniev y collaborera. Le CEM se propose de favoriser des partenariats avec les écoles et les conservatoires, de développer des échanges sous forme d'"Erasmus de la musique". Concerts, opéras, conférences, master classes y prendront place.
Le centre sera en outre doté d’un laboratoire de recherche sur les liens entre la musique et le cerveau et sera complété par une résidence intergénérationnelle de musiciens, où jeunes et retraités cohabiteront. "Une première en Europe", se réjouit M. Chaminé.
Coût total estimé du projet: 15 millions d'euros. Collectivités locales, Etat, Union européenne, gouvernements étrangers et fondations privées seront mis à contribution pour le financer. La mairie de Bougival notamment en attend beaucoup, souhaitant redonner "une dimension internationale" à la ville.
Soutien de poids, Emmanuel Macron est attendu à la villa samedi, à l'occasion des Journées européennes du patrimoine, aux côtés de la ministre de la Culture Françoise Nyssen et de l'animateur télé Stéphane Bern.
Ce dernier pilote cette première édition du Loto du patrimoine qui doit contribuer à la rénovation de 18 monuments français en danger. La Française des Jeux mise sur 15 à 20 millions d'euros au total. Quelque 600.000 euros devraient revenir à la villa Viardot dont le coût global de la restauration a été estimé à 3 millions d'euros.
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