Macron appelle l'Europe à résister aux tentations "autoritaires"
Emmanuel Macron a délivré mardi un long plaidoyer de cinq heures pour l'Europe face aux eurodéputés à Strasbourg puis devant plusieurs centaines de personnes rassemblées à Epinal pour lancer le débat des élections européennes de 2019.
S'exprimant pour la première fois devant le Parlement européen, le président français a mis en garde contre "les tentations autoritaires" et les replis nationaux, qui réveillent une "forme de guerre civile européenne".
"J'appartiens à une génération qui n'a pas connu la guerre et qui est en train de s'offrir le luxe d'oublier ce que les prédécesseurs ont vécu", s'est-il alarmé. "Je ne veux pas faire partie d'une génération de somnambules", a-t-il lancé devant les eurodéputés avec lesquels il a échangé pendant environ trois heures, ponctuées par des applaudissements.
"Une forme de guerre civile européenne réapparaît" et "nos égoïsmes nationaux parfois nous paraissent plus importants que ce qui nous unit face au reste du monde", a estimé M. Macron.
Avec ces deux rendez-vous européens de Strasbourg et Epinal, le chef de l'Etat a cherché à relancer son ambitieux projet de "relancer l'Union européenne", détaillé en septembre à La Sorbonne. Mais, depuis, il peine à convaincre les autres capitales de l'"urgence" à le mettre en place.
Pariant plus que jamais sur le couple franco-allemand, il se rendra jeudi à Berlin pour s'entretenir de l'avenir de la zone euro avec Angela Merkel, dont le parti conservateur a critiqué lundi notamment son idée de création d'un budget propre à la zone euro pour aider les investissements.
- "Retour de la France" -
Pour que l'Europe ait les moyens d'une "souveraineté européenne" face aux défis internationaux, la France "est prête à augmenter sa contribution" au budget européen dans le cadre du prochain budget pluriannuel post-Brexit de l'UE après 2020, a annoncé Emmanuel Macron.
Afin de trouver de nouvelles ressources, il a en outre proposé la suppression des rabais "qui ne sauraient survivre au Brexit" et a plaidé pour de nouvelles ressources européennes issues d'une taxe sur le numérique.
"La vraie France est de retour", s'est réjoui le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker après le discours d'Emmanuel Macron.
Le chef de file des libéraux de l'ALDE, Guy Verhofstadt, l'a encouragé à "persévérer" face aux "forces conservatrices". "Parfois, j'ai l'impression que, comparé aux conservateurs en Europe, même la SNCF est un bastion de réformistes", a dit l'eurodéputé belge, déclenchant des rires dans l'assemblée.
Le président français a en revanche été vivement critiqué par des élus de droite, d'extrême droite, mais aussi écologistes, comme le Belge Philippe Lamberts (Verts), pour lequel il "met à mal la devise +Liberté, Egalité, Fraternité+" avec sa politique migratoire, nucléaire ou de ventes d'armes.
- "Ne restez pas assis" -
Quelques heures plus tard, M. Macron a reçu un accueil très bienveillant de la part des 450 personnes rassemblées au centre des congrès d'Epinal pour la première "consultation citoyenne sur l'Europe" dans l'hexagone.
Debout, le micro à la main, au milieu de l'assistance, l'hôte de l'Elysée a répondu pendant deux heures aux questions, poliment posées et parfois techniques, sur "l'identité" européenne, la défense européenne, l'égalité hommes-femmes ou l'augmentation du Picon au bar avec l'arrivée de l'euro.
Emmanuel Macron a exhorté "les villes, les associations, les étudiants...", "même ceux qui n'aiment pas l'Europe", à organiser des consultations européennes d'ici à octobre, comme ont également prévu de le faire les 26 autres pays de l'UE (hors Royaume Uni). "Ne restez pas silencieux, ne restez pas assis", a-t-il lancé à l'assistance.
Il a appelé à suivre l'exemple du débat, qui l'avait marqué lorsqu'il était "adolescent", entre Philippe Seguin, ex-maire d'Epinal, et le président François Mitterrand sur l'euro en 1992. C'était "un vrai grand débat, honnête, en profondeur", et "on a eu ensuite beaucoup de mal à organiser des débats comparables", a-t-il regretté.
Le plus jeune des interlocuteurs du soir, Alexandre, 10 ans, lui a demandé: "quand est-ce qu'on aura tous la même carte d'identité en Europe?". "C'est sans doute ta génération qui aura à le faire" car "je n'arriverai peut-être pas à faire tout ce que je veux faire", lui a répondu le président, en se déclarant favorable à une carte d'identité européenne distincte selon les pays. "Tu seras toujours Français, ou Belge, ou Allemand", a-t-il assuré au jeune assis au premier rang.
Le chef de l'État, présenté comme "le président des villes" par certains de ses opposants, doit rester jusqu'à jeudi matin dans les Vosges pour une visite consacrée à la ruralité, la revitalisation des villes moyennes et la filière bois.
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