"Gilets jaunes" : l'exécutif annonce un dispositif "exceptionnel" face au risque d'un "samedi noir"
L'exécutif a multiplié jeudi les appels au calme et annoncé un déploiement policier "exceptionnel" pour faire face au risque d'une nouvelle explosion de violences ce week-end lors de la mobilisation des "gilets jaunes".
Invité du 20H de TF1, Édouard Philippe a annoncé que 89.000 membres des forces de l'ordre seraient mobilisés samedi en France, dont 8.000 rien qu'à Paris, théâtre de scènes d'émeutes et de guérilla urbaine le 1er décembre. Ils étaient 65.000 samedi dernier, dont environ 5.000 dans la capitale.
En plus des milliers de policiers déployés, une douzaine de véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG) seront utilisés à Paris, une disposition là-aussi exceptionnelle et inédite en milieu urbain depuis les émeutes dans les banlieues françaises en 2005.
Politiquement fragilisé par la crise des "gilets jaunes", le Premier ministre a par ailleurs assuré qu'il travaillait avec "la confiance du président" Emmanuel Macron, après les atermoiements de l'exécutif sur la gestion des annonces destinées à apaiser la colère des "gilets jaunes".
Le plan de sécurité "exceptionnel" du gouvernement est censé répondre aux dizaines d'appels à manifester à Paris qui se concurrencent sur les réseaux sociaux et prennent une tournure parfois très menaçante.
L'Élysée a également dit craindre "une très grande violence" samedi, malgré l'annonce mercredi soir d'un geste que l'exécutif espère décisif: l'abandon pour toute l'année 2019 des augmentations de taxes sur les carburants. "La taxe est annulée", a confirmé le Premier ministre, démentant toute "cacophonie" au sommet de l'Etat.
"Je prie pour samedi", a glissé un proche du président, alors que le ministère de l'Intérieur fait état d'une "mobilisation de la part de l'ultradroite et de l'ultragauche".
Des proches d'Emmanuel Macron ont confié avoir reçu des menaces de "gilets jaunes" sur leurs téléphones.
En perspective de nouveaux débordements, les autorités locales ont également pris leurs dispositions, à Paris comme en régions.
Dans la capitale, la préfecture de police a appelé les commerçants du secteur des Champs-Élysées à rester fermés. La tour Eiffel et une dizaine de musées, dont le Louvre, resteront portes closes. L'Opéra a annulé ses représentations et le parcours de la marche pour le climat a été modifié.
A Bordeaux, une dizaine d'établissements culturels et espaces publics seront fermés. Le maire de Saint-Etienne Gaël Perdriau a proposé à son homologue lyonnais Gérard Collomb d'"annuler" la Fête des Lumières, mais celle-ci est maintenue.
Cinq matches de la Ligue 1 de football ont d'ores et déjà été reportés.
Sur les réseaux sociaux, les mots d'ordre évoquent un renversement des institutions: "dissolution de l'Assemblée nationale", "Manu, on arrive !", "Pot de départ de Macron !", ou encore "Tous à la Bastille".
- Macron au centre des critiques-
Edouard Philippe a poursuivi jeudi au Sénat un débat engagé à l'Assemblée pour défendre une nouvelle fois les mesures prises en urgence: outre l'annulation de la taxe carbone, il s'agit d'un gel des tarifs du gaz et de l'électricité cet hiver, et du renoncement à durcir le contrôle technique automobile avant l'été.
Toutes ces annonces répondent à des demandes des "gilets jaunes". Mais pour huit Français sur dix, elles "interviennent trop tard", selon un sondage OpinionWay diffusé jeudi. Les deux tiers d'entre eux estiment cependant que c'est l'occasion d'ouvrir le dialogue.
Si Edouard Philippe a été envoyé en première ligne ces derniers jours, c'est bien le président Emmanuel Macron qui reste la cible des critiques sur les points de blocage.
Le président a demandé solennellement aux partis politiques, aux syndicats et au patronat "de lancer un appel clair et explicite au calme".
Il semble avoir été entendu par l'opposition, qui s'était encore montrée très offensive la veille.
Le groupe socialiste de l'Assemblée nationale a lancé "un appel à la responsabilité". Le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau a appelé le gouvernement à "casser les casseurs". La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, a souhaité des "mobilisations pacifiques".
L'ex-président François Hollande a appelé "à la mesure et au refus de toutes les formes de violences", tout comme les sept principaux syndicats.
- Incidents dans les lycées -
Le chef de file des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon, a en revanche balayé l'appel au calme de l'Elysée. "Édouard Philippe est rincé. Son gouvernement aussi. La politique de l'intimidation ne servira à rien sinon à exaspérer tous ceux qui voient la manœuvre", a-t-il tweeté après l'intervention du Premier ministre sur TF1.
Selon une source au ministère de l'Intérieur, à 18H00 jeudi, il a été recensé près de 11.200 gilets jaunes mobilisés en France pour 597 actions, une "mobilisation en hausse et plus violente".
L'exécutif redoute aussi une extension de la colère à d'autres secteurs, notamment les agriculteurs et les transporteurs routiers.
Dans l'éducation la situation est également tendue. Plus de 700 lycéens ont ainsi été interpellés par les forces de l'ordre jeudi lors de la quatrième journée de mobilisation lycéenne, marquée une nouvelle fois par des incidents et des violences, a indiqué à l'AFP une source au ministère de l'Intérieur. Près de 280 établissements scolaires ont été perturbés, dont 45 ont été bloqués, selon la même source.
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