Manifestations clairsemées et ronds-points délaissés, les "gilets jaunes" s'estompent
Moins nombreux dans les rues comme sur les ronds-points, quasiment invisibles dans les urnes, les "gilets jaunes" semblent s'effacer de l'espace public, victimes selon eux d'une "répression très forte" mais aussi du retour des "divisions sociales ordinaires", selon des experts.
Samedi, ils n'étaient que 12.500 dans les rues de France à manifester, plus de 22 fois moins qu'au plus haut du mouvement. "Les gens ont peur de la répression de la police", avance Jérôme Rodrigues, une des figures du mouvement, pour expliquer ces chiffres. "Et puis c'est le 7e mois de la mobilisation...".
Pour Raphaël Challier, sociologue, la "répression très forte qui a contribué à séparer une sorte d'+avant garde manifestante+ du reste des +gilets jaunes+ qui n'osaient plus aller en manif" a pesé sur l'essoufflement, comme "la répression au niveau local, la démolition systématique des cabanes, les expulsions...".
Au-delà des peurs, le retour de querelles anciennes a aussi contribué à vider les ronds-points.
Le mouvement a "fonctionné au début comme un puissant unificateur symbolique", avance M. Challier. "Mais au bout d'un moment les logiques de divisions sociales ordinaires ont repris leurs droits. Et plus le rond-point était populaire dans sa composition, plus une partie de l'opinion locale s'est détournée du mouvement, sur des ressorts assez méprisants".
"Les classes moyennes ont pu trouver dans le grand débat organisé par Emmanuel Macron une offre de participation plus conforme à leur rapport au politique que se mobiliser sur un rond-point des nuits entières", précise le chercheur.
Il reste pourtant des ronds-points jaunes à travers la France. Dans le Nord, une "petite dizaine" sont occupés, selon Alexandre Chantry, figure des "gilets jaunes" lillois.
Dans l'Ouest, les ronds-points du Croisic, de Pornic, sont toujours occupés, et une cabane a été reconstruite près du rond-point de l'aéroport de Nantes-Atlantique.
En Bourgogne, dans le Rhône ou en Isère, à l'inverse il n'y a plus de ronds-points occupés en permanence, selon les forces de l'ordre, mais certains "gilets jaunes" continuent de se réunir sur des terrains, privés ou prêtés par la mairie, comme à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire), à Givors et à Genay (Rhône) ou à Meximieux (Ain).
- L'espoir du local -
Michèle Riot-Sarcey, historienne, et Maxime Gaborit, sociologue, se sont penchés sur le mouvement depuis ses débuts. Tous deux estiment qu'un "noyau dur", "déterminé" ne s'estime pas vaincu, mais s'est recentré sur le local.
Les "+gilets jaunes+ ne viennent plus le samedi, et restent dans des +fédérations+ comme à Saint-Nazaire, à Clermont-Ferrand ou à Commercy", avance l'historienne, quand M. Gaborit observe encore "une forte détermination sur les ronds-points" dans l'Oise, son terrain de recherche, "même s'il y a de moins en moins de personnes à certains endroits".
Pour la plupart des "gilets jaunes" interrogés, l'avenir se dessine aussi dans les municipales.
C'est "le combat politique à mener" estime Vlad (un nom d'emprunt), "gilet jaune" dans l'Essonne.
"Le mouvement se prépare aux municipales pour faire appliquer le Référendum initiative citoyenne au niveau local" abonde Maxime Nicolle, dit "Fly Rider", une des figures du mouvement, tandis que Jérôme Rodrigues évoque certains "gilets jaunes" prêts "à se mobiliser pour les municipales, à s'inscrire sur une liste et pas dans un mouvement à part".
"Ce serait assez cohérent avec la sociologie et les pratiques du mouvement, qui pense la politique par le local, les liens personnels", analyse M. Challier.
Sans attendre le printemps 2020, les figures du mouvement espèrent remobiliser cet été.
"On va essayer d'organiser des rassemblements sur les plages, les lieux touristiques et les péages au moment des départs en vacances pour rester visibles", raconte M. Rodrigues. Quand "Fly Rider" assure: "Il y a un essoufflement des manifestations. Mais pas du mouvement".
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.