Marseille : un mois après l'effondrement de deux immeubles, la colère derrière le recueillement

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Par Beatrix BACONNIER MARTIN - Marseille (AFP)
Publié le 05 décembre 2018 - 14:15
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Rassemblement rue d'Aubagne à Marseille le 5 décembre 2018
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© GERARD JULIEN / AFP
Rassemblement rue d'Aubagne à Marseille le 5 décembre 2018
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Huit minutes de silence pour huit victimes: un mois jour pour jour après l'effondrement de deux immeubles dans le centre de Marseille, 150 personnes se sont recueillies près du lieu du drame, avant de laisser une nouvelle fois éclater leur colère.

Devant le 56 de la rue d'Aubagne, à quelques dizaines de mètres des immeubles effondrés, l'émotion et la tristesse se lisent sur les visages des proches et des voisins, les yeux embués, venus se recueillir devant les portraits de huit personnes retrouvées ensevelies sous les décombres.

Le calme qui règne dans cette rue colorée et d'habitude si animée du quartier populaire de Noailles est frappant. La plupart des immeubles, évacués dans cette partie de la rue, ont les volets clos, les boutiques le rideau baissé.

Devant le numéro 56, de nombreux bouquets de fleurs ont été déposés sur le sol. Des bougies sont allumées. Accrochées aux barrières de sécurité, un panneau affiche les noms des huit victimes. "Ce n'est pas la pluie", est-il écrit sur un autre, en référence directe aux explications avancées après la catastrophe par la municipalité.

Quelques secondes avant 09H05, heure de l'effondrement, Kevin Vacher, membre du Collectif du 5 novembre né après le drame, prend la parole: "Je demande que l'on observe huit minutes de silence à la mémoire des victimes et à celle de Zined, tombée sous les violences policières".

Cette octogénaire, habitante elle aussi du quartier de Noailles, est morte d'un "choc opératoire" dimanche à l'hôpital. Samedi soir, elle avait été blessée par des éclats de grenade lacrymogène, alors qu'elle était au 4e étage, chez elle, lors de violents incidents qui ont éclaté après plusieurs manifestations.

- "Sinistre unique" -

Des applaudissements marquent la fin du moment de recueillement. Après les sanglots, plusieurs proches des victimes en colère pointent de nouveau du doigt la mairie, accusée notamment de ne pas les avoir soutenus après le drame.

"Le consulat d'Algérie a pris en charge les frais de rapatriement mais la mairie de Marseille nous a dit que nous n'avions droit à rien, n'étant ni descendant ni ascendant des victimes", critique Salma, la cousine de Cherif, 36 ans, une des victimes.

Selon Kaouther Ben Mohamed, du collectif du 5 novembre, personne n'a pris en charge non plus les obsèques de Niasse, d'origine sénégalaise. "Les pompes funèbres ont fait une avance", dit-elle.

La veille, la mairie avait de son côté affirmé que "les frais d'obsèques étaient pris en charge par la ville de Marseille".

Depuis la catastrophe, quelque 1.500 personnes ont été évacuées d'immeubles en mauvais état dans la ville. Mercredi, elles aussi expriment leur leur désarroi et leur inquiétude. "Je suis à l'hôtel depuis un mois, j'ai fait toutes les démarches, on me dit qu'il faut attendre", explique Naïma, évacuée le 5 novembre d'un immeuble en péril.

"Il faut un traitement urgent de l'urgence", s'énerve Kaouther Ben Mohamed. Pour faire face à ce "sinistre unique " en France, son collectif demande à l'État de prendre un décret de "catastrophe exceptionnelle" afin qu'assureurs et collectivités débloquent des fonds pour le relogement des évacués.

Medhi, lui, est venu par solidarité, son enfant dans une poussette, pour dénoncer "23 ans de gaudinisme catastrophique": "En France, on a le président des riches, à Marseille, on a le maire des riches", lance-t-il, s'étonnant aussi de l'absence du député de la circonscription, le chef de file des Insoumis Jean-Luc Mélenchon.

Dans la foule, quelques élus d'opposition sont présents mais, aucun membre de la majorité municipale n'est venu. Au centre de nombreuses critiques, le maire Jean-Claude Gaudin "ne voulait pas attiser la colère", avait indiqué mardi son adjoint Julien Ruas. Lundi, lors du dernier conseil municipal de l'année, les élus observeront une minute de silence, avant "une expression plus personnelle du maire", avait de son côté précisé Arlette Fructus.

Une information judiciaire a été ouverte fin novembre pour "homicides involontaires" aggravés "par violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité" et confiée à trois juges d'instruction.

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