Meurtre de Sarah Halimi : une expertise conclut à l'irresponsabilité du suspect
L'homme soupçonné du meurtre de Sarah Halimi, une sexagénaire juive tuée en 2017 à Paris, était-il responsable de ses actes? Non, conclut une nouvelle expertise psychiatrique, contredisant un premier médecin, mais la juge a réclamé un troisième avis.
Dans la nuit du 3 au 4 avril 2017, Kobili Traoré s'était introduit chez sa voisine Lucie Attal - aussi appelée Sarah Halimi - au troisième étage d'une HLM de Belleville. Aux cris d'"Allah Akbar", entrecoupés d'insultes et de versets du Coran, ce jeune musulman l'avait rouée de coups sur le balcon avant de la précipiter dans la cour.
Fin février, après une nouvelle audition de Kobili Traoré, la juge avait retenu le caractère antisémite du crime à l'issue d'un long bras de fer avec le parquet et les parties civiles. Les circonstances du meurtre de cette ancienne directrice de crèche confessionnelle, juive orthodoxe de 65 ans, avaient d'abord semblé confuses pour les enquêteurs.
La question du discernement du jeune homme, interné depuis son arrestation, est un des enjeux du dossier. S'il était établi qu'il était aboli au moment des faits, cela signifierait la fin des poursuites judiciaires à son encontre.
Mercredi matin, la magistrate chargée de l'enquête a notifié aux parties civiles une deuxième expertise psychiatrique, appuyant cette hypothèse.
Les médecins qui l'ont réalisée estiment que Kobili Traoré a été pris d'un "trouble psychotique bref" qui "a aboli son discernement", selon ce document révélé en fin de semaine dernière par Le Parisien et dont l'AFP a eu connaissance.
Le suspect, mis en examen il y a un an pour meurtre, est "inaccessible à une sanction pénale. Il est réadaptable mais les soins seront longs et difficiles", ajoutent-ils, jugeant également que son état de santé ne permet pas d'envisager une détention ordinaire.
"Cette deuxième expertise, qui n'avait même pas été demandée par la défense, contredit entièrement le premier rapport judiciaire" de l'expert psychiatre Daniel Zagury, a déploré auprès de l'AFP Me Gilles-William Goldnadel, avocat de la belle-soeur de Sarah Halimi.
- "Bouffée délirante aiguë" -
La première expertise psychiatrique concluait que Kobili Traoré, la nuit du meurtre, avait été pris d'une "bouffée délirante aiguë", liée à une forte consommation récente de cannabis, qui avait altéré son discernement sans pour autant l'abolir.
Me Caroline Toby, avocate aux côtés de Me Francis Szpiner des trois enfants de la victime, a indiqué à l'AFP que le magistrat instructeur avait ordonné une troisième expertise.
L'affaire Sarah Halimi, un nom qui réveille le souvenir de l'assassinat antisémite d'Ilan Halimi par le "gang des barbares" en 2006, avait pris une tournure politique en juillet 2017, lorsque le président Emmanuel Macron avait réclamé à la justice "toute la clarté" sur les faits, en présence du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou en visite à Paris.
Un an après ce meurtre, celui d'une autre femme juive de 85 ans à Paris, Mireille Knoll, avait à son tour suscité une forte émotion dans la communauté juive et au-delà. Mme Knoll a été "assassinée parce qu'elle était juive", avait affirmé M. Macron. Le drame avait suscité une "marche blanche" de milliers de personnes.
Le 23 mars, le corps de cette femme, atteinte de Parkinson, avait été retrouvé lardé de onze coups de couteau et partiellement carbonisé dans son appartement d'une HLM du XIe arrondissement de Paris.
Deux suspects, qui s'étaient connus en prison et s'accusent mutuellement du crime, avaient été vite identifiés et mis en examen: Yacine Mihoub, le fils d'une voisine âgé de 28 ans, et Alex Carrimbacus, un marginal de 21 ans.
S'appuyant notamment sur les déclarations du plus jeune, le parquet avait décidé de retenir rapidement la qualification antisémite.
La mère de Yacine Mihoub a elle aussi été mise en examen pour "modification des preuves d'un crime" car elle est soupçonnée d'avoir nettoyé l'éventuelle arme du crime retrouvée chez elle.
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