Décision en avril pour un agriculteur intoxiqué, "porte-étendard" du combat contre Monsanto
L'agriculteur Paul François, qui mène un combat depuis douze ans pour faire reconnaître la responsabilité de Monsanto dans son intoxication à un herbicide en 2004, devra attendre le 11 avril pour être fixé sur une nouvelle décision de la justice.
A l'issue de l'audience de mercredi devant la cour d'appel de Lyon, Paul François s'est dit "blessé" bien qu'"habitué aux coups" depuis le début de son marathon judiciaire contre la firme américaine, l'existence de ses troubles ayant été contestée par les avocats de Monsanto dans leurs plaidoiries.
Ce céréalier de Charente, qui se voit en "porte-étendard" malgré lui du combat contre la firme américaine, avait été intoxiqué en avril 2004 après avoir inhalé des vapeurs de Lasso, un herbicide de Monsanto interdit en France depuis novembre 2007, mais banni du Canada dès 1985.
"Ce jour-là, Paul François aurait dû mourir" au vu de la toxicité du produit, a plaidé son conseil, Me François Lafforgue. Après plusieurs malaises, l'agriculteur avait été longuement hospitalisé et souffre toujours de graves troubles neurologiques.
"Dans son ouvrage ("Un paysan contre Monsanto" paru en 2017, ndlr), M. François dit qu'il savait pertinemment qu'il s'agissait de produits dangereux (...) Il dit aussi qu'il a été négligent le jour J", a déclaré à la presse l'avocat de Monsanto, Me Jean-Daniel Bretzner.
"C'est tout à fait clair, l'intoxication n'est pas démontrée", a-t-il assuré.
"Monsanto conteste tout : qu'il y ait eu un accident, que le Lasso existe, que Paul François a utilisé le Lasso...", a répliqué Me Lafforgue, en précisant que les troubles invoqués étaient bien "confirmés médicalement".
"Il faut bien voir que ce n'est pas le combat d'un homme mais celui des victimes contre les pesticides", a ajouté l'avocat de l'agriculteur, estimant qu'une nouvelle victoire judiciaire ouvrirait "la porte" à d'autres victimes.
- "Sortir des pesticides" -
Une fois son mal reconnu comme maladie professionnelle, Paul François s'est lancé en 2007 dans un combat judiciaire contre le géant américain, filiale de l'allemand Bayer depuis 2018, à qui il réclame "plus d'un million d'euros".
L'agriculteur avait obtenu gain de cause en première instance et en appel. Mais l'affaire a été de nouveau renvoyée l'année dernière devant la cour d'appel par la Cour de cassation. Celle-ci avait estimé nécessaire le réexamen de l'affaire en se basant non pas sur un "défaut d'information" mais sous l'angle de la responsabilité des produits défectueux.
Sur la grille de la cour d'appel, les quelques dizaines de soutiens à l'agriculteur avaient accroché une banderole mercredi: "Les malades des pesticides existent, nous en sommes la preuve". Parmi ses partisans, l'ancienne ministre de l'Ecologie et présidente de Génération Ecologie Delphine Batho a dit venir soutenir le combat "juste" de M. François, ce procès visant selon elle à "montrer à ces firmes qu'elles ne sont pas toutes-puissantes".
A partir de 2015, le céréalier a converti en bio les 200 hectares de son exploitation qui dégagent "de la rentabilité". Il a pu maintenir un emploi et a "aussi repris (sa) liberté d'agriculteur".
Devenu président de l'association Phyto-victimes, il réclame la mise en place d'un fonds d'indemnisation pour les victimes de pesticides, approuvé à l'unanimité au Sénat mais qui attend encore d'être voté à l'Assemblée nationale.
Pointant du doigt la ministre de la Santé Agnès Buzyn pour avoir "mis tout son poids" pour empêcher la tenue de ce vote jusqu'à présent, il déplore également la position du président Emmanuel Macron, qui a déclaré le 25 janvier que la France ne parviendrait pas à se passer "à 100%" du glyphosate dans les trois ans comme il s'y est engagé.
"C'est scandaleux pour les milliers de personnes qui n'ont pas obtenu d'indemnisation, ça montre vraiment que le problème des pesticides n'est pas pris en compte", a dénoncé M. François.
"Il ne s'agit pas de sortir des pesticides du jour au lendemain mais sortir sur les quinze prochaines années, c'est réalisable et c'est là que les politiques manquent de courage", a assuré le céréalier.
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