A Paris, les luttes s'emparent des murs

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Par Laura DIAB - Paris (AFP)
Publié le 14 mars 2020 - 13:05
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Collages dénonçant les féminicides, répartis sur les murs de Paris. Photo prise le 6 septembre 2019
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© Lionel BONAVENTURE / AFP/Archives
Collages dénonçant les féminicides, répartis sur les murs de Paris. Photo prise le 6 septembre 2019
© Lionel BONAVENTURE / AFP/Archives

Ils interpellent sur leur passage et sortent les murs de leur mutisme : les collages militants se multiplient à Paris, remis au goût du jour par les féministes et désormais repris pour d'autres causes avec un même objectif, toucher le plus grand nombre.

"Le patriarcat tue","On ne veut plus compter nos mortes"... Dans les rues de la capitale, difficile de manquer les collages féministes, ces lettres capitales assemblées les unes aux autres façon Scrabble.

Le but, c’est "d’envahir la rue et sortir des réseaux sociaux, car sur les réseaux on cible une partie de la population qui se sent déjà concernée. Dans la rue, on touche tout le monde, tous les quartiers", estime Marguerite Stern, jeune femme de 28 ans à l’origine des collages contre les féminicides, qui ont débuté fin août 2019.

Ce mode d'expression n'est pas nouveau. On collait déjà des affiches protestataires au temps de la Révolution française et même au XVIème siècle, sous François 1er.

Chez les féministes, le procédé est simple, voire artisanal. Une feuille A4, de la peinture et de la colle et "une esthétique forte et reconnaissable dans l'espace public". "C’est surtout un outil de lutte que tout le monde peut reprendre", ajoute la jeune autrice de podcast et ancienne Femen.

Et c’est ce qui s’est produit. Depuis plusieurs semaines, des personnels hospitaliers issus de quatre établissements parisiens ont adopté la même technique pour dénoncer la décrépitude du système de santé public.

"Alerte l’État tue l’hosto", "Soignants méprisés, hôpital sacrifié", "Silence l'hôpital meurt", peut-on lire dans des zones localisées essentiellement dans le sud et l’est parisien.

"On s’est directement inspiré des collages féministes", assume Matthieu Lafaurie, infectiologue à l'Hôpital St Louis et à l’origine des premiers collages, avec un des collègue.

À l’hôpital public, "on a longtemps compté sur le dévouement des soignants pour que ça marche. Je suis très contente qu’on sorte enfin du silence et qu'on occupe enfin cet espace", explique Myriam, jeune biologiste de 28 ans, à l'origine du compte Instagram "Collage_hopitalpublic"

"Un message dans la rue n’a pas le même impact. Dans la rue, on touche tout le monde", se réjouit-elle, en décrivant un "sentiment cathartique" au moment du collage.

- "Premier réseau social" -

Ces messages rencontrent ensuite un deuxième écho, grâce à l'"effet amplificateur" des réseaux sociaux, où ils sont abondamment repris, note Sébastien Marchal, membre de Formes des Luttes, un collectif de graphistes produisant affiches et autocollants à coller sur les murs, pour dénoncer la controversée réforme des retraites.

Depuis décembre, on retrouve leurs images un peu partout. Près de 250.000 autocollants riches de 72 visuels différents ont été distribués à l'occasion des différentes manifestations.

Les collages peuvent également être un instrument de mémoire. Fin janvier, près de 1.500 affiches ont été apposées sur des portes d'immeubles en souvenir des enfants juifs de la capitale déportés pendant la Shoah, à l'initiative de l'UEJF. Pour Noémie Madar, sa présidente, coller "redonne une forme de réalité".

Dysturb, un collectif de photojournalistes utilise, lui, le collage pour mêler travail artistique et informations chiffrées sur des sujets cruciaux, comme le climat. Pierre Terdjmann, son co-fondateur, considère la rue comme "le premier réseau social" qu'il est important d'exploiter et ainsi "contrer l'instantanéité des réseaux sociaux".

Pour le Professeur Jacques Walter, directeur du Centre de recherche sur les médiations à l’université de Lorraine, "la réappropriation de ce geste citoyen semble un peu surprenant" à l'heure des nouvelles technologies.

"Ce qui est frappant c’est le côté artisanal du procédé qui contraste avec les réseaux sociaux" notamment "à l’ère de l'industrialisation du message dont les réseaux sociaux sont la pointe avancée. Là, on est exactement à l'inverse".

Mais la singularité des ces collages fait "événement", explique l'universitaire. "Ils sont un marqueur du temps le plus présent. Éphémères, destructibles et qui malgré tout ont du sens".

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