Pour leur acte 9, les "gilets jaunes" hésitent entre Bourges et Paris

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Par Romain FONSEGRIVES avec les bureaux de l'AFP en régions - Paris (AFP)
Publié le 10 janvier 2019 - 15:06
Mis à jour le 11 janvier 2019 - 04:44
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Des gilets jaunes manifestent place de la République à Lille, le 3 janvier 2019
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© Philippe HUGUEN / AFP
Le lancement imminent du grand débat national n'y change rien : les "gilets jaunes" préparent de nouveaux rassemblements samedi à travers la France.
© Philippe HUGUEN / AFP

Le lancement imminent du grand débat national n'y change rien : les "gilets jaunes" préparent de nouveaux rassemblements samedi à travers la France, et semblent vouloir se concentrer entre Paris, théâtres de violences samedi dernier, et un lieu inhabituel, Bourges.

Deux mois après la première mobilisation, le mouvement reste protéiforme et les figures de son "canal historique" n'ont pas la même stratégie pour l'acte 9.

Le chauffeur routier Éric Drouet privilégie Paris. Le lieu de rassemblement, annoncé à La Défense sur Facebook - avec 3.000 participants et 15.000 personnes intéressées jeudi - devrait être dévoilé au dernier moment, comme lors des autres samedis.

De leur côté, l'autoentrepreneuse Priscillia Ludosky et le Breton Maxime Nicolle ont choisi Bourges (Cher) comme épicentre de la mobilisation. Au centre de la France, cette préfecture est "une ville un peu moins connue des forces de l'ordre pour éviter qu'il y ait du +nassage+ (encerclement, ndlr) de fait, que la tension monte", a expliqué l'intérimaire à Konbini.

Jeudi midi, aucune demande d'autorisation de manifestation n'avait encore été déposée, selon la préfecture. Pourtant, 2.500 participants disaient vouloir s'y rendre sur Facebook et 12.000 personnes étaient intéressées. Inquiète, la ville démonte ses horodateurs, fait retirer les engins de chantier et fermera ses musées samedi.

D'autres rassemblements sont annoncés dans plusieurs villes : Bordeaux, Marseille, Toulouse, Lyon, Strasbourg, Lille, Nantes, Rennes... Les manifestants prévoient aussi une reprise des blocages et certains appellent à retirer leur argent des banques, sans susciter l'inquiétude du secteur. Ils sont soutenus par Solidaires, seul syndicat à appeler à rejoindre les cortèges.

Après une baisse de la mobilisation pendant les fêtes, les "gilets jaunes" ont réussi leur pari pour leur acte 8, le 5 janvier : avec 50.000 manifestants partout en France, selon le gouvernement, la contestation a rebondi et montré sa résistance à l'usure.

Surtout, les violences à Paris ont polarisé les esprits, notamment l'intrusion dans le ministère du porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, et les images de l'ex-boxeur Christophe Dettinger en train de frapper des gendarmes.

Le placement en détention provisoire de l'ex-boxeur surnommé le "gitan de Massy", la cagnotte de soutien organisée en sa faveur, et celle lancée pour soutenir les forces de l'ordre ont nourri plusieurs passes d'armes sur le terrain des valeurs. Face à des vidéos de gens du voyage qui incitent à en découdre dans la capitale samedi, le préfet de police a transmis trois signalements à la justice.

Tout ceci alors que de nombreux députés de la majorité reçoivent des menaces et que les relations entre médias et "gilets jaunes" se dégradent.

- 80.000 policiers et gendarmes -

Après les vœux pugnaces d'Emmanuel Macron, l'exécutif s'affiche intransigeant sur "l'ordre républicain" et prépare une nouvelle loi "anticasseurs", avec un fichier à l'image de celui antihooligans réclamé par des syndicats de policiers. Pour samedi, le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé un dispositif de sécurité "considérable" : avec 80.000 policiers et gendarmes, dont 5.000 à Paris, il retrouvera son niveau de la mi-décembre.

Dans ce contexte, le grand débat national, promis comme la voie de sortie de crise, semble patiner avant son coup d'envoi.

La Commission nationale du débat public (CNDP), arrêtera sa contribution au débat national le 15 janvier, date du lancement de la consultation, a précisé sa présidente, Chantal Jouanno qui exclut toutefois de démissionner de la présidence de cette autorité indépendante.

"Je ne suis pas rémunérée pour faire le grand débat, mais pour présider la CNDP, qui garantit les droits de nos concitoyens sur plus de 83 projets très difficiles, tels que la gestion dans les années à venir des déchets radioactifs", a-t-elle dit dans une interview jeudi soir au Figaro.

"C'est une remise en question étonnante de l'indépendance de notre autorité. Qui demanderait à Jacques Toubon de démissionner de son poste?", a ajouté Chantal Jouanno, cible de nombreuses critiques après avoir annoncé mardi qu'elle se "retirait" de l'organisation du grand débat national, en raison d'une polémique sur son salaire (14.666 euros brut par mois).

Emmanuel Macron doit se déplacer mardi dans l'Eure pour lancer la consultation. Entre thèmes ouverts et lignes rouges fixées à l'avance, l'opposition et certains gilets jaunes doutent déjà ouvertement de son utilité.

"La méthode proposée par le gouvernement pour son grand débat, c'est une locomotive du XIXe siècle", a déclaré à l'AFP Christophe Chalençon, figure du mouvement dans le Vaucluse. Avec la mouvance "Gilets jaunes, le mouvement", née cette semaine, il compte lancer une plateforme en ligne pour recueillir les revendications.

Côté manifestants, on oscille entre détermination et inquiétude.

"On attend une réaction de l'État avec une mise en place du RIC (référendum d'initiative citoyenne) et avec des mesures de pouvoir d'achat très concrètes", explique à l'AFP Alex, organisateur des manifestations à Valence (Drôme). "S'il y a les deux réunis, le mouvement c'est fini."

Dans sa ville, "il y avait environ 3.000 personnes samedi dernier et il n'y avait aucun média national pour dire que ça s'est bien passé", regrette-t-il. Mais "il faut vite qu'ils réagissent. Il y a des gens qui en ont marre d'être pacifistes et ça va être de plus en plus difficile à gérer."

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