Procès du viol du Quai des orfèvres : la difficile enquête de la police des polices

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Par Caroline TAIX - Paris (AFP)
Publié le 15 janvier 2019 - 20:47
Mis à jour le 16 janvier 2019 - 06:26
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Antoine Q., l'un des deux policiers accusés du viol d'une touriste canadienne, arrive au tribunal, le 14 janvier 2019 à Paris
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© Eric FEFERBERG / AFP
Antoine Q., l'un des deux policiers accusés du viol d'une touriste canadienne, arrive au tribunal, le 14 janvier 2019 à Paris
© Eric FEFERBERG / AFP

Des mensonges, des récits qui évoluent mais aussi des collants qui disparaissent, des verres qui réapparaissent: une commissaire de la "police des polices" a raconté mardi aux assises les difficultés et les ratés dans l'enquête sur le viol présumé d'une Canadienne par deux policiers du 36 quai des orfèvres.

"J'ai regretté de ne pas être saisie immédiatement", a déclaré à la barre la commissaire de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) en charge de l'enquête de flagrance. Elle a été chargée de ce dossier très sensible le 23 avril 2014 à 06H00 du matin. Quatre heures plus tôt, Emily Spanton, une touriste canadienne, sortait du célèbre "36", jambes nues, talons à la main, en état de choc, affirmant avoir été violée par des policiers.

"Si nous avions été saisis plus tôt, j'aurais envoyé des effectifs pour préserver les lieux", a-t-elle admis. "On aurait aussi pu entendre les fonctionnaires (de police, ndlr) plus rapidement". Or ceux-ci ont pu rentrer librement chez eux au petit matin, sans même faire de test d'alcoolémie, après cette soirée très arrosée. "Des investigations évidentes n'ont pas été faites", a regretté l'enquêtrice.

Quand l'IGPN est arrivée, en début d'après-midi, dans les bureaux de la BRI (Brigade de recherche et d'intervention, un service d'élite), où le viol aurait eu lieu, des policiers y vaquaient normalement à leurs occupations, sans se soucier d'être peut-être sur une scène de crime.

Les enquêteurs sont venus relever traces et indices, mais sont repartis bredouille. Ils cherchaient en vain "un élément particulièrement intéressant": les collants résille d'Emily Spanton, qui n'ont jamais été retrouvés. L'enquêtrice le regrette fortement, car ces collants résille, fragiles, auraient pu porter des traces du viol présumé.

Emily Spanton a très tôt affirmé qu'un des deux accusés de viol en réunion, Antoine Q., l'avait forcée à boire du Scotch. Aucune trace de bouteille ou de verres n'a été retrouvée lors de la première perquisition, mais ceux-ci ont mystérieusement réapparu quand l'IGPN est retournée, quelques jours plus tard, dans les locaux. "Je ne suis pas sûre que les policiers pensaient qu'on allait revenir...", a expliqué la commissaire.

Le président de la cour d'assises a posé une question centrale: "Est-ce que le temps entre 02H00 (quand Emily Spanton sort du "36" le 23 septembre) et les gardes à vue des policiers (le lendemain) a pu être mis à profit pour s'entendre sur une version à donner aux autorités?".

- Policière à Toronto -

Les versions des policiers ont évolué au fur et à mesure de l'enquête. Entendu pour la première fois, Nicolas R. avait affirmé qu'Emily Spanton, une fois dans son bureau, avait plongé sa main dans son pantalon mais qu'il lui avait aussitôt demandé, choqué, d'arrêter.

Quelques jours plus tard, il est revenu sur ces déclarations, reconnaissant une fellation consentie. Mais Emily Spanton aurait été vexée car il n'arrivait pas à avoir d'érection.

Il a fallu plusieurs mois pour qu'Antoine Q. reconnaisse des caresses sexuelles, avec une pénétration digitale.

Emily Spanton a plusieurs fois affirmé être policière à Toronto, ce qui est un mensonge. Elle a aussi dit qu'elle avait un enfant, ce qui est également faux. Autre élément: elle a soutenu avoir eu son dernier rapport sexuel avant le viol présumé avec son petit-ami, au Canada... avant de reconnaitre des relations dans un parc, avec un Américain rencontré à Paris.

Le président de la cour d'assises s'est interrogé sur les témoignages des deux serveuses du pub, en face du "36", où Emily Spanton et les policiers se sont rencontrés. Ces derniers sont des "habitués", a-t-il souligné, suggérant une proximité entre les barmaids et les fonctionnaires. L'une d'elles a affirmé qu'Emily Spanton a réalisé une fellation consentie à un policier, ce dont sa collègue n'a pas parlé.

Les policiers encourent 20 ans de réclusion, dans ce procès qui doit s'achever le 1er février.

(L'AFP a choisi de donner le nom de la victime présumée, Emily Spanton, celle-ci ayant accordé des interviews à plusieurs médias. Par contre, les noms des policiers ne peuvent pas être mentionnés, car ils sont couverts par l'arrêté du 7 avril 2011 relatif au respect de l'anonymat de certains fonctionnaires de police).

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