A Saint-Denis, après des intrusions dans une école, les dealers pointés du doigt
"Nos enfants doivent déjà côtoyer les dealers au quotidien, mais là, c'est jusque dans l'école": à Saint-Denis, en banlieue de Paris, la colère monte après plusieurs intrusions dans l'enceinte d'un établissement. Parents et enseignants pointent le trafic de drogue qui mine le quartier.
Lundi, le fils de Constance, en CM2, a dû se cacher sous sa table de classe. Deux jeunes extérieurs à l'établissement venaient d'être aperçus dans la cour du groupe scolaire Victor Hugo qui compte 600 élèves (une maternelle et deux élémentaires) Alors, comme c'est la règle en cas d'intrusion, les enfants ont été confinés pendant un peu plus d'une heure.
Une autre intrusion avait déjà eu lieu le week-end précédent. L'école a depuis été entièrement fouillée. Les policiers ont découvert une petite quantité de stupéfiants - trente grammes de cannabis - "dans un lieu extérieur aux bâtiments scolaires et non-autorisé aux enfants", précise la municipalité.
Entourée d'arbres et de grands immeubles, l'école est située près de la cité Gabriel Péri, l'un des plus importants point de deal de Seine-Saint-Denis. Ici, le trafic se pratique à ciel ouvert et les habitants en subissent les nuisances quotidiennement.
Il y a les hurlements "incessants" des "guetteurs", ces jeunes garçons postés aux quatre coins du quartier et chargés prévenir les vendeurs du passage de la police.
"Flics à la cabine ! Flics sur la dalle ! Flics à tel endroit !, on entend ça jour et nuit", soupire Constance. "On ne dort plus, ça réveille les enfants."
Même si dans une classe "on a vite trop chaud", "travailler fenêtre ouverte c'est compliqué", confie aussi Ariane, enseignante de CM2 et syndiquée SNUPipp-FSU.
Au-delà du bruit, ses élèves voient aussi "des jeunes à peine plus âgés qu'eux qui passent la journée dehors". Ca "peut laisser penser que tout ça, ça peut être une option", regrette-t-elle.
"On donne une éducation à nos enfants entre nos quatre murs", reprend Constance. "Mais, à l'extérieur, ils voient les dealers, les liasses d'argent qui s'échangent", poursuit cette éducatrice spécialisée. "Qu'est-ce qu'on va dire à nos enfants ensuite. Est-ce qu'ils vont nous écouter ?"
- Un "Alcatraz" -
Bien sûr, la majorité des jeunes "ne virent pas vers ça", tient à ajouter Sophie, enseignante en CP, lassée de voir la ville stigmatisée.
"Saint-Denis, c'est une chouette ville. Les écoles, les enseignants, s'investissent énormément. Il y a plein de choses proposées pour les élèves et les familles", explique-t-elle.
Après les intrusions, la mairie a annoncé des mesures immédiates. Parmi celles-ci, la présence jusqu'à la fin de la semaine d'une équipe de sécurité dans l'école, une cellule de soutien psychologique, ou le rehaussement rapide de clôtures.
"Bientôt on aura plus qu'à creuser des tunnels pour circuler entre les maisons", ironise Fabienne, une autre mère de famille, qui, comme d'autres, ne veut pas d'un "Alcatraz" et insiste sur le manque de "moyens humains" dans le département.
Jeudi, les parents de Victor Hugo, ont défilé jusqu'à la mairie, aux côtés des syndicats et d'enseignants qui avaient prévu de longue date une "journée noire de l'éducation" contre la loi Blanquer.
Sur le parvis de la mairie, le maire, Laurent Russier (PCF), qui soutenait la mobilisation, s'est retrouvé entouré d'un groupe de mères d'élèves de Victor Hugo.
"Mes filles connaissent les slogans des guetteurs par cœur. Je ne peux plus aller au parc, les guetteurs sont assis sur les jeux de nos enfants. Je ne vois plus la solution", lui a lancé l'une d'elle.
Le maire a rappelé que 24 policiers supplémentaires vont être affectés en juin et septembre à Saint-Denis, dont un tiers d'officiers de police judiciaire, "ceux qui mènent les enquêtes, permettent de remonter les filières" et "d'attaquer à la base ce qui pourrit la vie des habitants", a-t-il dit.
Au-delà, a-t-il ajouté auprès de l'AFP, "ces faits qui se passent à Saint-Denis, mais aussi dans beaucoup d'autres villes nécessitent, qu'à un moment ou un autre, il y ait une vraie réflexion sur quelle politique pour la jeunesse". "Est-ce qu'on accepte qu'une partie de notre jeunesse, même si elle est minime, parte à la dérive? Et de leur faire comprendre qu'elle est en train de bousiller sa vie future et la vie actuelle de beaucoup d'habitants."
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