A Saint-Martin, Emmanuel Macron au contact d'une population en colère
Les pieds dans la boue et la chemise trempée par la pluie, Emmanuel Macron s'est offert samedi un interminable bain de foule à Saint-Martin, au contact d'une population souvent impatiente et en colère, un an après le passage d'Irma.
A Quartier d'Orléans, l'un des plus pauvres de Saint-Martin, où les HLM foisonnent, les toitures encore arrachées, le chef de l'État voulait aller au contact: pendant cinq heures et malgré la pluie, il a discuté avec la population, serré des mains, embrassé les enfants, fait des selfies, et a rendu visite à quatre familles en HLM, perturbant quelque peu son service d'ordre.
Plusieurs centaines de personnes l'ont accompagné entre les immeubles, le remerciant d'avoir tenu sa promesse de revenir un an après son premier déplacement, juste après le passage de l'ouragan dévastateur qui a fait 11 morts en septembre 2017.
Chacun souhaitait lui raconter son histoire, mais surtout lui faire part de ses récriminations concernant une reconstruction jugée trop lente et une Collectivité défaillante.
"Rien ne va", "rien n'a changé", lui ont confié beaucoup d'interlocuteurs. Une habitante lui révèle qu'il a fallu sa venue pour que le quartier soit nettoyé et les trottoirs repeints. Le maire confirme, un peu gêné.
Roselyne Denis, mère de famille particulièrement remontée, échange avec lui pendant 40 minutes, dénonçant notamment l'utilisation d'anciens Algecos qui servaient de toilettes aux gendarmes, pour en faire des classes temporaires, alors que la préfecture a dans le même temps des modulaires tout neufs. Elle déplore également les expropriations dans certains quartiers, pour cause de zone à risque.
Une autre mère critique la lenteur de la reconstruction des écoles: "Ce sont toujours les enfants qui sont pénalisés. Ce sont vos enfants de la République. Vous parlez de chômage, mais là ce sont des bombes à retardement qu'on est en train de mettre en échec scolaire".
L'occasion pour le chef de l'État de roder une réponse répétée des dizaines de fois: "L'État a fait plus que ses compétences pour Saint-Martin. On a mis 500 millions. Mais je ne peux pas fouler aux pieds le choix institutionnel des Saint-Martinois" d'une collectivité qui a beaucoup d'autonomie, et les compétences en matière scolaire et de marchés publics.
- "corruption" -
"Les écoles n'ont pas rouvert toutes et pas suffisamment vite, parce que les travaux n'ont pas été faits suffisamment vite et qu'on a préféré faire des travaux ailleurs, c'est pas acceptable", a-t-il dit, promettant de "mettre la pression sur la collectivité".
Il s'invite aussi chez un jeune homme, récemment sorti de prison pour braquage, et l'enjoint à trouver du travail "pour faire les travaux et reconstruire. (...) il ne faut pas rester comme ça, faire des bêtises. Les braquages c'est fini, ta mère mérite mieux que ça", lui dit-il.
Jugeant "inacceptable" que les travaux de toitures des logements sociaux n'aient pas encore été faits, il dénonce "une île dans laquelle il y a eu trop de connivences, trop d'entente, parfois même de la corruption".
Dans un café du quartier, il avait donné rendez-vous à quelques habitants qui l'avaient interpellé lors de sa première visite. Lila, qui avait refusé de l'appeler +Monsieur le président+ à l'époque, contrariée par la lenteur des secours, lance un appel: "Vous ne pouvez pas donner de l'argent à une collectivité qui n'est pas capable. L'État français doit prendre cette île sous tutelle".
Le président dit partager sa colère, déplorant "un système qui s'est habitué à l'inefficacité, avec manifestement des entreprises qui ont décidé que ça allait à leur rythme qui n'était pas forcément le rythme des besoins des gens".
"Saint-Martin, ça fait des décennies que c'était laissé à l'abandon. (...) L'État n'avait pas fait respecter les règles partout", a-t-il reconnu, promettant plus de "contrôles".
"Le problème, c'est que j'ai l'impression que vous êtes de la vieille politique, que c'est que de la com'", lui assène un jeune homme. "C'est pas de la com', je vais au contact des gens, (...) je ne suis pas dans le bla-bla", a répondu le chef de l'État. "J'espère, sinon on vous attend à la sortie".
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