Sécurité routière : les anti-80 km/h se mobilisent
Manifestations, pétitions, lettres ouvertes... L'abaissement de 90 à 80 km/h de la vitesse maximale autorisée sur 400.000 kilomètres de routes a déclenché une fronde chez les motards et automobilistes, qui veulent empêcher son entrée en vigueur le 1er juillet.
Samedi, des manifestations sont organisées à travers la France à l'appel de la Fédération française de motards en colère (FFMC) et de l'association 40 millions d'automobilistes, unies pour la première fois dans une action commune.
Le week-end dernier, des défilés ont rassemblé plusieurs milliers de personnes, avec l'appui de collectifs départementaux créés sur Facebook et baptisés "Colère". D'autres actions sont prévues la semaine prochaine.
Les explications données le 9 janvier par le Premier ministre Edouard Philippe pour justifier la limitation de la vitesse sur les routes secondaires à double sens sans séparateur central ont hérissé un certain nombre d'usagers de la route, motards en tête.
"Avec cette mesure, on ne cherche pas à éviter que les accidents surviennent, ce qui relève du comportement des automobilistes et de l'état des infrastructures, mais on essaie de limiter l'impact. C'est un pansement sur une jambe de bois", estime Didier Renoux, porte-parole de la FFMC.
"Avec des limitations à 90 ou 100 km/h, certains pays font mieux que nous (sur la mortalité routière), ça montre bien que ce n'est pas une question de vitesse mais de comportement", abonde le directeur général de 40 millions d'automobilistes, Pierre Chasseray.
Officialisé jeudi, le bilan de la mortalité routière pour 2017 n'a fait que renforcer leur conviction: le nombre de morts a baissé l'an passé (3.693 tués, -1,2%) après trois années consécutives de hausse.
- "Sécurité rentière" -
Au coeur du débat: l'efficacité de la mesure.
Selon le gouvernement, qui se base sur une modélisation des chercheurs suédois Nilsson et Elvik, baisser de 10 km/h la limitation de vitesse sur l'essentiel du réseau secondaire permettrait de sauver "350 à 400 vies" par an. Des chiffres contestés par les opposants.
Une expérimentation a été menée entre 2015 et 2017 sur 86 kilomètres de routes. Ses conclusions montrent que la vitesse moyenne et l'accidentologie ont reculé sur ces axes mais les échantillons retenus et la durée de l'expérience sont insuffisants pour avoir une valeur scientifique.
"Le seul résultat concret de l'expérimentation, c'est la multiplication par trois ou quatre des flashes de radars", ironise Didier Renoux, dénonçant une "sécurité rentière" et une "politique tournée vers plus de répression".
La FFMC a lancé une pétition qui revendique plus de 30.000 signataires.
"Cette opposition montre qu'il y a un fort besoin de pédagogie", dédramatise le délégué interministériel à la sécurité routière, Emmanuel Barbe.
La grogne est toutefois remontée jusqu'au Parlement.
A la demande d'une cinquantaine de sénateurs, un groupe de travail sur la sécurité routière a été créé à la Chambre haute pour "évaluer l'utilité de cette mesure", explique un de ses membres, le sénateur (LR) de Haute-Saône, Michel Raison.
"Je discute avec mes collègues de tous bords, on n'a jamais vu autant de remontées (d'administrés) allant dans le même sens. Il y a une vraie contestation", souligne-t-il: "Je demande au Premier ministre qu'il ne signe pas le décret (instaurant les 80 km/h) tant qu'on n'a pas rendu nos conclusions", attendues courant avril.
Certains élus LREM ont également fait part de leur réserve. "C'est mal vécu sur les territoires ruraux. Sur la vitesse, il faut du cas par cas. Pas mal de députés de la majorité sont sur cette ligne et l'ont fait savoir", souligne le député de Gironde, Benoît Simian.
"On garde les méthodes qui ont permis de changer massivement les comportements ces dernières décennies, mais on les utilise aujourd'hui pour une minorité de conducteurs dangereux, récidivistes qui n'y sont pas sensibles. Ce sera inefficace", déplore de son côté le leader de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan.
Avec un "front commun" associatif et politique, les opposants espèrent faire plier le gouvernement. "Regardez Notre-Dame-des-Landes", veut croire Pierre Chasseray: "C'est la pression politique qui a fait changer la décision."
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