Allemagne : jugé, un ancien garde de camp nazi pleure face aux victimes

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Par David COURBET - Berlin (AFP)
Publié le 06 novembre 2018 - 05:00
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Le tribunal de Münster en Allemagne le 10 juillet 2014
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© Caroline Seidel / dpa/AFP/Archives
Le tribunal de Münster en Allemagne le 10 juillet 2014
© Caroline Seidel / dpa/AFP/Archives

Un ancien garde du camp nazi de Stutthof a pleuré mardi après avoir entendu des témoignages de descendants de victimes au premier jour de son procès pour complicité de centaines de meurtres.

Cet allemand de 94 ans, établi et jugé à Münster, a servi entre juin 1942 et septembre 1944 dans ce camp situé à quarante kilomètres de Gdansk. Agé de 18 et 20 ans au moment des faits, il est jugé en tant que mineur.

Le parquet n'a pas divulgué son identité mais selon le quotidien Die Welt, il s'agit d'un paysagiste à la retraite prénommé Johann.

Il est arrivé devant la cour en fauteuil roulant, un bob sur la tête et une canne à la main mais ne s'est pas exprimé. Face à lui, 17 parties civiles.

L'accusé n'a pu retenir ses larmes, selon l'agence dpa, après deux premiers témoignages. Une survivante du camp, Marga Griesbach, a ainsi raconté comment elle a vu son frère de six ans pour la dernière fois à Stutthof, avant son transfert au camp d'extermination d'Auschwitz où il mourut gazé.

- Toutes les manières de tuer -

"Il a aidé à ce que ma mère soit tuée, cette mère adorée qui m'a tant manquée toute ma vie", a déclaré une autre témoin, vivant aujourd'hui à Indianapolis aux Etats-Unis et dont le nom n'a pas été diffusé par dpa.

"A Stutthof, toutes les manières de tuer ou presque ont été employées", a dit à la presse le procureur de Dortmund Andreas Brendel.

Selon l'accusation, l'accusé en ayant connaissance de ces exactions s'est rendu complice de centaines de meurtres. Selon Die Welt, le nonagénaire a nié devant la police en août 2017 avoir su que des atrocités étaient commises, affirmant notamment que les soldats souffraient aussi du manque de nourriture.

A Stutthof, premier camp de concentration établi en dehors du territoire allemand fin 1939, 65.000 personnes sur les quelque 110.000 déportés périrent.

Gardé par des SS et des auxiliaires ukrainiens, il a d'abord servi à la détention de prisonniers de guerre et opposants polonais, norvégiens ou danois avant que des Juifs des pays baltes et de Pologne, essentiellement des femmes, y soient déportés à partir de 1944 dans le cadre de la "solution finale" nazie.

"Je suis très reconnaissant de la tenue de ce procès, personne dans ma famille n'a cru que des poursuites étaient possibles. Pour moi qui suis de la troisième génération c'est très important", s'est félicité Ben Cohen, petit-fils d'une déportée rescapée du camp, Judy Meisel.

Les 14 audiences prévues jusqu'à janvier seront limitées à deux heures chacune afin de ménager le nonagénaire. Une seconde audience aura lieu jeudi.

A l'origine, un second ex-garde SS de 93 ans aurait dû comparaître mais son aptitude fait encore l'objet d'expertises.

L'accusé encourt un maximum de 15 ans de prison mais une peine aussi lourde est peu probable.

- 'Plus jamais ça' -

La justice allemande reste critiquée pour son traitement tardif des crimes du IIIe Reich car ce n'est que ces dernières années que l'Allemagne a condamné plusieurs anciens SS pour complicité de meurtres: John Demjanjuk, Reinhold Hanning et Hubert Zafke.

En effet, depuis 2011, une jurisprudence permet des poursuites pour "complicité de meurtre" contre ceux qui ont participé au fonctionnement d'un camp. Jusqu'alors, seuls les suspects directement impliqués dans les assassinats pouvaient être poursuivis.

Tous les accusés, très âgés lors de leur condamnation, occupaient des positions subalternes pendant la guerre. Et aucun n'est allé en prison grâce à des recours ou en raison de leur état de santé.

En mars, Oskar Gröning, surnommé le "comptable d'Auschwitz" est mort à 96 ans peu avant son incarcération après une condamnation à quatre ans de détention.

Le procès qui s'ouvre mardi est donc "un geste pour dire +plus jamais ça+", considère l'historien spécialiste du nazisme Peter Schöttler, "si on laissait passer cette affaire, on aurait toujours une excuse pour en laisser passer une autre".

"Pour les proches et les victimes des crimes du national-socialisme, l'Allemagne se doit d'enquêter encore aujourd'hui sur ces faits et de poursuivre ces délits", martèle le procureur Brendel.

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