Afghanistan : le cessez-le feu, un tremplin vers des pourparlers de paix
Le cessez-le-feu qui démarrera la semaine prochaine entre les forces de sécurité afghanes et les talibans pourrait servir, s'il est respecté, de tremplin vers des pourparlers de paix, après presque 17 années de conflit, ont estimé des analystes interrogés par l'AFP.
"Le combat a été la seule chose qui a caractérisé les talibans depuis la naissance de ce mouvement. L'interrompre, même brièvement, représente une rupture importante avec leur modus operandi", observe Borhan Osman, de l'International crisis Group, une ONG active dans la prévention des conflits.
"Ce cessez-le-feu mutuel, s'il est fructueux, peut vraisemblablement inspirer de futures démarches, plus significatives, vers un processus de paix", poursuit-il, car les deux parties se diraient alors : "nous pouvons y arriver". Cela montrerait aussi, selon lui, que la hiérarchie talibane sait contrôler sa base.
Un analyste occidental de Kaboul, sous couvert d'anonymat, évoque un "tremplin" après plusieurs tentatives de dialogue avortées.
Les talibans ont annoncé samedi un cessez-le-feu de trois jours, à l'occasion de la fin du ramadan, une première depuis 2001, qui intervient deux jours après la déclaration d'un cessez-le-feu unilatéral par le président Ashraf Ghani.
Le président afghan a lié cette tentative à une fatwa prise lundi par 3.000 oulémas de tout le pays, qui ont déclaré les attaques-suicide "haram" (interdites) et ont recommandé aux belligérants d'interrompre les combats.
Le Pentagone avait préalablement annoncé que des cadres talibans négociaient avec les autorités afghanes sur un possible cessez-le-feu.
"La question est désormais : +les Etats-Unis veulent-ils accepter des négociations avec les talibans+ ?", s'interroge l'analyste politique Haroon Mir.
Ashraf Ghani avait déjà proposé des pourparlers de paix aux insurgés en février, leur offrant de devenir un parti politique s'ils acceptaient la Constitution de 2014 et un cessez-le-feu. Mais ils l'avaient ignoré. Quelques jours plus tôt, les talibans avaient de leur côté écrit aux Etats-Unis pour tenter d'instaurer un dialogue bilatéral avec la superpuissance. Washington avait refusé.
- Vœux pieux -
Malgré le cessez-le-feu, les combats devraient se poursuivre sur le terrain. Les deux parties ont promis de riposter si elles étaient attaquées.
Les talibans ont prévenu que l'interruption des combats ne s'étendait pas pour leurs hommes aux forces de l'Otan, sous commandement américain, en Afghanistan. Washington comme Kaboul ont fait savoir qu'ils continueront à se battre contre le groupe Etat islamique.
La crainte est aussi réelle que le réseau Haqqani, lié aux talibans mais que des responsables afghans et occidentaux soupçonnent d'aider l'EI pour certains attentats, lance des attaques au nom du groupe rival.
"C'est un jeu d'attente", confie un diplomate étranger à l'AFP. "Je ne pense pas que le réseau Haqqani sera partant (pour un cessez-le-feu). Je ne serais pas surpris si des incidents se produisent et qu'ils sont revendiqués par Daech", l'acronyme arabe de l'EI.
Quelques heures avant l'annonce de samedi, des talibans avaient attaqué une base militaire dans la province d'Herat (ouest) puis un poste de police dans celle de Kunduz (nord), faisant au total 36 morts parmi les forces de sécurité afghanes. Le groupe a également revendiqué un assaut contre une base militaire samedi dans la province de Kandahar (sud).
"A mon avis, nous avons fait bien plus de vœux pieux autour (du cessez-le-feu) que nous ne verrons de résultat", remarque un diplomate occidental, rappelant que les talibans lèvent généralement le pied vers la fin du ramadan.
Pour Michael Kugelman, du centre Wilson de Washington, il est même "déraisonnable de penser que cette brève trêve puisse être un prélude à un processus de réconciliation". Mais elle donnera au moins aux Afghans quelques heures de répit, a-t-il ajouté.
Plus de 10.000 civils ont été tués ou blessés en 2017, en baisse de 9% par rapport à l'année précédente. Mais les victimes d'attentats-suicide et d'attaques ont elles augmenté de 17%.
"Vu l'horrible bilan du conflit en Afghanistan, toute accalmie dans les combats, même pour seulement 72 heures, est une bonne chose", estime l'analyste américain.
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