À Budapest, un musée de l'Holocauste qui divise la communauté juive

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Par Peter MURPHY - Budapest (AFP)
Publié le 26 janvier 2019 - 07:45
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Le nouveau musée de l'Holocauste "Maison des destins" installé dans une ancienne gare, le 21 janvier 2019
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© FERENC ISZA / AFP
Le nouveau musée de l'Holocauste "Maison des destins" installé dans une ancienne gare, le 21 janvier 2019
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Un nouveau musée de l'Holocauste divise la communauté juive à Budapest, où le Premier ministre national-conservateur Viktor Orban est soupçonné de vouloir minimiser le rôle des Hongrois dans la Shoah à travers cette institution.

Établie dans une ancienne gare et signalée par un empilement de wagons à bestiaux évoquant la déportation de centaines de milliers de juifs hongrois en 1944, cette "Maison des destins" est achevée depuis 2015. L'État y a investi 24 millions d'euros.

Mais elle n'a toujours pas ouvert ses portes, la principale organisation juive hongroise, Mazsihisz, et les experts internationaux pressentis ayant claqué la porte de son conseil scientifique, dont un venu du mémorial de Yad Vashem.

En cause: de forts doutes sur "ce que sera le message historique porté par l'institution", confie à l'AFP le président de Mazsihisz, Andras Heisler, alors qu'a lieu dimanche la Journée internationale de l'ONU à la mémoire des victimes de l'Holocauste.

Quelque 600.000 juifs hongrois ont péri dans les camps nazis, déportés en quelques mois grâce aussi au zèle de l'administration et de la police hongroises.

Dès 1920, le pays s'était doté de la première législation antisémite de l'entre-deux-guerres en Europe, à l'instigation de l'amiral Horthy, qui devint un allié de Hitler et demeura au pouvoir jusqu'en 1944.

Or les hommages rendus par M. Orban à Horthy et l'inauguration en 2014 d'un monument présentant la Hongrie comme une pure victime du nazisme ont alimenté les craintes. Le musée allait-il dérouler un récit historique occultant ou minimisant la participation du pays à l'Holocauste?

- "Double jeu" -

M. Orban, qui se présente comme le rempart numéro un en Europe contre "l'invasion musulmane", a multiplié ces dernières années les gestes de rapprochement avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qu'il a reçu à Budapest en 2017 avant de lui rendre visite à Jérusalem l'été dernier.

Mais il a dans le même temps orchestré contre le financier américain d'origine hongroise George Soros une vaste campagne dont le Congrès juif mondial a dénoncé les accents antisémites.

"Orban joue un double jeu avec la communauté juive, flattant en même temps les sentiments nationalistes" de son électorat, estime l'historien Krisztian Ungvary. "C'est un populiste qui s'efforce de récolter un maximum de voix en adressant des signaux à l'extrême droite".

Le choix d'une proche de M. Orban, Maria Schmidt, pour concevoir et diriger le musée a conforté les craintes. Cette historienne est en effet déjà à la tête de la "Maison de la terreur", un musée budapestois controversé qui selon ses détracteurs tend à assimiler les crimes communistes à ceux des nazis.

"Tout le monde s'accorde à dire qu'elle n'est pas une historienne crédible, et a peur de ses idées et de ses raccourcis historiques étranges", juge M. Heisler.

Dans une publication contrôlée par Mme Schmidt, le président de Mazsihisz avait été représenté en novembre entouré d'une nuée de billets de banque, une imagerie à connotation antisémite.

- Rôle pédagogique -

Budapest, qui a officiellement décrété une politique de "zéro tolérance" envers l'antisémitisme, plaide toutefois sa bonne foi à l'égard de la communauté juive de Hongrie, la plus importante d'Europe centrale avec 100.000 membres.

Le gouvernement fait notamment valoir l'accent mis sur l'Holocauste dans les programmes scolaires. Mais aussi les investissements consentis pour la rénovation et l'entretien de nombreuses synagogues et cimetières juifs.

Pour tenter de sortir de l'impasse, il a annoncé en septembre transférer la propriété du musée à une organisation juive hongroise minoritaire, EMIH, liée au mouvement orthodoxe Chabad.

Son dirigeant, le rabbin Slomo Koves, insiste sur le rôle pédagogique que doit jouer le lieu, où il espère attirer "plus de 100.000" élèves par an. "Les enfants aujourd'hui ne connaissent pas l'Holocauste, y compris les enfants juifs. Il faut les secouer et les tirer de leur apathie", indique-t-il à l'AFP.

Le nouveau concept du musée "reflètera fidèlement l'histoire" et l'établissement "sera géré de façon indépendante du gouvernement", assure-t-il.

Alors que le gouvernement souhaite une ouverture du musée dès ce printemps, celle-ci n'interviendra probablement pas avant 2020, reconnaît M. Koves.

Pour Krisztian Ungvary, Budapest ferait mieux d'investir dans le musée juif existant plutôt que de s'obstiner à créer une structure controversée. "On n'a pas besoin de deux musées de l'Holocauste dans une ville", estime-t-il.

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