Chine : les dissidents redoutent la répression high-tech de l'ère Xi

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Par Joanna CHIU - Pékin (AFP)
Publié le 21 mars 2018 - 11:20
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Une policière chinoise porte des lunettes à reconnaissance faciale dans une gare à Zhengzhou dans le Henan, le 5 février 2018
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Une policière chinoise porte des lunettes à reconnaissance faciale dans une gare à Zhengzhou dans le Henan, le 5 février 2018
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Reconnaissance faciale, internet sous surveillance, notation des citoyens: face aux innovations technologiques, des militants des droits de l'homme craignent un contrôle croissant de la population chinoise sous le règne désormais potentiellement illimité du président Xi Jinping.

M. Xi vient d'être réélu à l'unanimité par le Parlement pour un deuxième mandat de cinq ans. Les députés ont également aboli la limite du nombre de mandats présidentiels, lui permettant de se maintenir au pouvoir s'il le souhaite au-delà de 2023.

Une perspective inquiétante pour Ye Du, un écrivain dissident, selon qui l'homme fort de Pékin pilote l'entrée de la Chine dans un "totalitarisme high-tech" qui concernera l'ensemble des citoyens.

Le Parti communiste chinois (PCC) au pouvoir "commence à s'intéresser de plus en plus aux technologies d'informatique en nuage, de surveillance, et d'autres outils", déclare-t-il à l'AFP. "Son but est d'utiliser les techniques les plus avant-gardistes afin de savoir comment les gens se comportent et ce qu'ils pensent".

Le premier mandat de Xi Jinping a coïncidé avec un contrôle accru de la société civile, qui s'est traduit par l'interpellation voire l'emprisonnement de centaines de militants des droits de l'homme et d'avocats.

En matière de maintien de la stabilité, la Chine a également investi des sommes croissantes ces dernières années.

Des policiers de la grande ville de Hangzhou (est) ont commencé cette année à utiliser des lunettes à reconnaissance faciale pour identifier des suspects au sein des foules dans les gares.

C'est l'un des exemples de l'utilisation croissante par les autorités de données biométriques (photos, empreintes digitales, prises de sang, reconnaissance de l'iris) afin de garder un oeil sur la population.

Pékin surveille également avec intérêt le contenu du web chinois, bloquant les sites étrangers pouvant potentiellement contenir des informations subversives et effaçant tout message hostile au régime.

Des dizaines d'internautes ont été emprisonnés ces dernières années après avoir été accusés d'avoir "encouragé la subversion" ou d'avoir "provoqué des querelles et fomenté des troubles".

Mais ce qui inquiète le plus les dissidents, c'est l'introduction progressive par les pouvoirs publics de systèmes de "notation sociale", afin d'évaluer la fiabilité des citoyens, un peu à l'instar des critères de solvabilité suivis par les banques dans les pays occidentaux.

- 'Contrôle totalitaire' -

La note individuelle est déterminée selon une batterie de critères. Elle permet de récompenser les citoyens méritants (avec par exemple un accès facilité aux prêts bancaires) et de pénaliser les moins fréquentables.

Ce système encore embryonnaire fonctionne pour l'instant sur la base du volontariat, au niveau local. Il devrait être étendu au niveau national d'ici à 2020.

L'objectif est de "forger une opinion publique où être digne de confiance est glorieux", selon le texte gouvernemental à l'origine du projet en 2014.

"C'est un nouveau type de contrôle totalitaire de la société" dont le but est la "numérisation" complète des gens, s'insurge le poète dissident Ye Du.

Le régime communiste peut ainsi "juger de la place des citoyens dans la société", depuis leurs habitudes de consommation jusqu'à leur casier judiciaire, en passant par leur utilisation des réseaux sociaux et leur vie privée, s'angoisse-t-il.

Des géants de l'internet comme Tencent et Alibaba ont déjà mis en place des notes de crédit facultatives qui accordent des points aux clients des sites de commerce en ligne.

Certains soupçonnent ces groupes privés de transmettre les données des utilisateurs aux autorités, qui pourraient en faire un usage très subjectif.

Début mars, une circulaire officielle a déjà annoncé la mise en place d'un système de crédit social pour empêcher les personnes "peu dignes de confiance" de prendre l'avion.

Selon Patrick Poon, chercheur à Amnesty International, face à ces nouveaux moyens de contrôle orwelliens, "les gens ne pourront pas bénéficier d'une réelle liberté de mouvement car ils seront surveillés partout où ils se trouvent en Chine".

"Chacun vivra avec la peur au ventre en sachant que la sphère privée n'existe plus et qu'on peut être accusé de n'importe quoi n'importe quand, au bon vouloir du gouvernement".

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