Haïti veut apprendre du Bénin pour punir les crimes vaudous

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Par AFP
Publié le 09 octobre 2017 - 17:35
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Des adeptes du vaudou participent à une cérémonies aux Gonaïves, à 171 km au nord de Port-au-Prince,
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© Hector RETAMAL / AFP/Archives
Des adeptes du vaudou participent à une cérémonies aux Gonaïves, à 171 km au nord de Port-au-Prince, le 16 avril 2017
© Hector RETAMAL / AFP/Archives

Trois sénateurs haïtiens, en visite au Bénin, se recueillent devant la statue de Toussaint Louverture, le héros de leur indépendance, érigée à Allada, ville du sud de cet Etat d'Afrique de l'Ouest où se trouvent ses origines. Les deux pays, situés à des milliers de kilomètres l'un de l'autre, partagent la même histoire mais aussi la même religion, le vaudou.

Jean Renel Senatus, Jean-Marie Junior Salomon et Ronald Larêche se sont rendus au Bénin fin septembre pour une recherche juridique et anthropologique, car Haïti réforme son code pénal et son code de procédure pénale, qui datent de 1835, et veut prendre conseil au pays d'où sont partis ses ancêtres, victimes de l'esclavage.

De par leur histoire et leur culture, "Haïti et le Bénin sont les deux facettes d’une même médaille", explique à l'AFP Jean Renel Senatus, président de la Commission justice du Sénat haïtien.

"Nous voulons adapter ces textes à nos réalités et nous sommes là pour voir comment les Béninois traitent en droit les phénomènes irrationnels", poursuit-il, après avoir déposé une gerbe de fleurs aux pieds de Toussaint Louverture (1743-1803), représenté en uniforme bleu foncé et doré, une épée dans chaque main.

Le vaudou est né au Bénin, où il a statut de religion et compte des millions d'adeptes. Basé sur les forces de la nature et le culte des ancêtres, il a traversé l’Atlantique dès le XVIIIe siècle.

- 'Zombification' -

Le vaudou transporte avec lui son lot de clichés, comme les poupées plantées d’aiguilles. Mais certains phénomènes comme celui de la "zombification" préoccupent les hommes politiques. Comment légiférer sur les crimes liés à cette religion?

La zombification aurait une explication cartésienne: les "houngan", prêtres vaudou haïtiens, administreraient à la victime une poudre provoquant les mêmes symptômes que la mort clinique. Après avoir déterré le prétendu défunt avec la complicité du croque-mort, le commanditaire profiterait de l'affaiblissement de sa victime, dans un état semi-conscient, pour l’exploiter.

La zombification "est le fait d’être constaté décédé, inhumé au vu et au su de tous et d’être 'ressuscité'", résume Jean-Marie Junior Salomon, vice-président du Sénat haïtien. "Ce qui est spécial, c’est que la personne 'revenue' (à la vie) travaille ensuite comme esclave".

Dans les couches populaires et les zones reculées de Haïti où l’on ne fait pas confiance à la justice rendue dans les villages c’est une manière de régler ses comptes avec ses ennemis.

Au Bénin, le même procédé existe mais pour un usage très différent.

"Il est utilisé par certains initiés dans le secret des temples pour renforcer leur puissance mais ils gardent un antidote à portée de main", explique le professeur Honorat Aguessy, sociologue béninois. Au Bénin, "le vaudou veut le bien", assure-t-il.

Dans les faits, certains font quand même appel à des féticheurs par exemple pour éliminer un rival. Mais cela reste caché et, faute de preuve, le Bénin n’a pas légiféré sur ces pratiques occultes.

Dans le même temps, la justice traditionnelle continue de jouer un grand rôle. "Il y a encore des rois ici et ils règlent des problèmes à l'amiable de façon tout à fait officielle", s'étonne Ronald Larêche, ancien président du Sénat haïtien.

- Chef vaudou -

A Allada, les trois sénateurs ont d'ailleurs rencontré Kpodégbé Djigla, le souverain traditionnel. "Il nous a raconté qu'il était sollicité pour juger certains cas", témoigne Jean Renel Senatus.

Les rois résolvent beaucoup de litiges domaniaux car ils connaissent l’histoire de la communauté. Par ailleurs, dans chaque village, il y a un conseil de sages avec des anciens, des notables et un chef vaudou.

"Il traite souvent des plaintes liées à la coutume, par exemple, si une veuve qui ne doit pas sortir de chez elle pendant un certain temps le fait quand même", constate Sandrine Aholou, avocate.

Dans sa pratique, elle observe un mélange des deux justices: "D’une part, la justice républicaine accepte la justice traditionnelle, d’autre part, la coutume influence le droit moderne!"

La plupart du temps, les décisions prises par les sages sont respectées. Au grand étonnement des sénateurs haïtiens. Pour Jean-Marie Junior Salomon, c’est une question de culture : "Ici les gens respectent la tradition, chez nous, à cause de l'influence de la modernité et la proximité des Etats-Unis, on la renie."

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