Idleb, ultime bastion insurgé syrien, passe intégralement à l'heure jihadiste
Un groupe jihadiste dominé par l'ex-branche syrienne d'Al-Qaïda a renforcé jeudi son emprise sur la province d'Idleb en Syrie, à la suite d'un accord mettant fin à plusieurs jours de combats meurtriers avec des rebelles.
Les jihadistes de Hayat Tahrir al-Cham (HTS), qui ont récemment enchainé les gains territoriaux à l'intérieur de cette province du nord-ouest de la Syrie en guerre, ont conclu un accord de trêve avec des factions rebelles, regroupées au sein du Front national de libération (FNL), une coalition appuyée par les Turcs.
Voisine de la Turquie, la province d'Idleb ainsi que des parties des provinces voisines de Hama, Alep et Lattaquié échappent toujours au contrôle du régime syrien de Bachar al-Assad.
Ces zones ont fait l'objet, en septembre, d'un accord entre Ankara, soutien des rebelles, et Moscou, parrain du régime, qui a permis d'empêcher jusque-là une offensive de Damas et de son allié russe.
L'accord conclu entre rebelles et jihadistes à Idleb, dont une copie a circulé dans des médias locaux, fait suite à une violente offensive lancée début janvier des jihadistes de HTS qui leur a permis de s'emparer de dizaines de localités. Les combats ont fait 130 morts dans les deux camps.
L'accord signé jeudi matin par HTS et le FNL établit "le contrôle du +gouvernement du salut+ sur l'ensemble" d'Idleb, a annoncé Ebaa, le site de propagande de HTS. Cette administration locale instaurée par HTS gérait déjà plusieurs régions, y compris la ville d'Idleb.
De nouvelles zones passeront désormais sous sa tutelle, notamment les localités de Maarat al-Noomane et d'Ariha, dans le sud de la province d'Idleb.
Mais les factions rebelles d'Ahrar al-Cham et de Souqour al-Cham qui y sont présentes "resteront sur place", a assuré à l'AFP le directeur du bureau médiatique du FNL.
- "Interlocuteur indispensable" -
Des groupes jihadistes comme Houras al-Din et le parti islamique de Turkestan sont aussi présents dans la région d'Idleb, mais ce sont des alliés de HTS, a souligné le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane.
Cette nouvelle donne territoriale devrait permettre à HTS de conforter sa position sur l'échiquier politico-diplomatique, estiment des analystes.
"Désormais, HTS peut se présenter à la Turquie et à d'autres comme un interlocuteur indispensable pour toute solution non-militaire à Idleb", soutient Sam Heller, analyste à l'International Crisis Group (ICG).
La capacité de la Turquie à mettre en oeuvre une zone "démilitarisée" dans la province d'Idleb, comme prévu par l'accord russo-turc conclu le 17 septembre à Sotchi (Russie), est désormais incertaine. La zone tampon devait séparer les secteurs insurgés des régions gouvernementales adjacentes.
Cette disposition du texte n'a été que partiellement respectée, suite au refus des jihadistes de se retirer de la future zone "démilitarisée".
Selon M. Heller, il n'est désormais pas clair "si le maintien de la désescalade à Idleb dépend réellement de la mise en œuvre littérale de l'accord ou de facteurs plus politiques tels que l'état des liens turco-russes".
- Craintes -
En attendant, les habitants du bastion désormais jihadiste craignent le pire après l'accord conclu entre HTS et FNL.
Nasser Hezbar, un militant de la société civile à Maarat al-Noomane, a confié à l'AFP que l'accord de cessez-le-feu affecterait "énormément" la vie des habitants à Idleb.
"Cela donnera un prétexte au régime pour rentrer dans la région", estime cet homme âgé de 29 ans.
Même inquiétude dans la ville de Binnish, plus au nord. Le régime et la Russie "prendront leurs aises en bombardant (...) au hasard et détruisant les infrastructures. La vie deviendra très difficile (...)", lâche Nasser Allouch, propriétaire d'un magasin de légumes.
Ailleurs en Syrie, les craintes de nouvelles batailles restent également vives. Jeudi Ankara a réitéré ses menaces d'offensive dans le nord-est du pays contre les Unités de protection du peuple (YPG), principale milice kurde.
Fer de lance du combat contre le groupe Etat islamique (EI) dans l'est de la Syrie, aux côtés d'une coalition internationale conduite par Washington, les YPG sont considérées comme "terroristes" par Ankara pour leurs liens présumés avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui livre une guérilla sur le territoire turc depuis 1984.
L'annonce surprise du retrait américain de Syrie par le président Trump inquiète les Kurdes. Jeudi, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a confirmé que le retrait aurait bien lieu sans toutefois donner de calendrier.
La guerre en Syrie a éclaté en 2011 après la répression par le régime de manifestations prodémocratie. Elle s'est complexifiée au fil des ans avec l'implication de groupes jihadistes et de puissances étrangères. Elle a fait plus de 360.000 morts.
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